Linda a survécu grâce au sport, aujourd’hui il fait parti de sa reconstruction. C’est au bord du lac Dausmenil que nous avons discuté longuement, Linda m’a racontée son histoire, celle d’une jeune fille abusée sexuellement, celle d’une femme indépendante qui aime les autres, celle d’une sportive qui cherche à se challenger. Découvrez son histoire, let’s Go Girlz !
Quel(s) sport(s) pratiques-tu ? Et à quelle fréquence ?
Etant coach sportive, j’essaye d’avoir mes sessions personnelles, je fais du fitness à raison de 5 fois par semaine ainsi que des séances d’haltérophilie et du cross training en fonction de mes objectifs sportifs.
Quand as-tu commencé le sport et quelles étaient les raisons à l’époque ?
J’ai commencé la pratique sportive à l’âge de 15 ans dans un centre culturel, je voulais me faire des amis et échapper à mon domicile.
À cette époque-là, j’étais malheureuse chez moi, je subissais des attouchements sexuels et j’avais des rapports extrêmement tendus avec ma belle-mère. Il fallait que je m’occupe pour penser à autre chose et fuir cette maison, c’est dans le sport que j’ai trouvé cette soupape.
Je souhaitais aussi me faire des ami.e.s, puisque je n’en avais pas au collège, à cause de mon surpoids. C’est toujours cruel d’être la petite grosse de la cour de récréation.
Avec le football que j’ai pratiqué pendant 8 ans, j’ai survécu, je me suis crée ma zone de sécurité. J’ai adoré faire partie d’une équipe et me donner à fonds pendant de longues années. J’ai arrêté le football par manque de temps, notamment pour me focaliser sur mes études accès sur le sport. J’ai fait STAPS et j’ai passé mon diplôme du BP JEPS, du coup je pratiquais beaucoup de sport.
J’ai découvert le cross training au sein de l’association Youcamps dans le 19ème arrondissement de Paris. J’ai adoré l’entraide et la bienveillance du coach et des autres sportifs et sportives. Depuis, je suis devenue coach sportive et je m’épanouis dans mes différents sports.
Où pratiques-tu ton sport et quel est ton spot favori ?
J’ai fait du sport, mon métier, donc j’en fait quasi tous les jours, que ce soit du fitness en salle chez Neoness notamment où je donne mes cours, mais aussi en extérieur.
Qu’est-ce que t’apporte le sport au quotidien ?
Le sport est mon oxygène, je ne peux pas m’en passer, c’est plus fort que moi. Lorsque vous êtes victime d’attouchements sexuels par un membre de votre famille, cela vous détruit intérieurement, on ne se remet pas. Je vis avec ça aujourd’hui, mais j’ai dû faire un travail sur moi et sans le sport je ne pense pas que j’aurais pu tenir. Je m’étais complètement renfermée et j’avais peur de rentrer chez moi, c’était devenu une phobie. La seule solution que j’avais trouvé, était de faire des heures de sport pour oublier ce que je vivais au quotidien.
Aujourd’hui, le sport me permet de me challenger, il fait partie de mon quotidien, j’aime sortir de ma zone de confort, je cherche à développer des compétences physiques : l’endurance, la force, etc. Par exemple, l’haltérophilie me permet d’améliorer mes performances en cross training.
Le sport a-t-il changé la vision que tu avais de toi et ta vision du sport en elle-même ?
Complément ! Je détestais mon corps je ne pouvais pas me regarder dans un miroir puisque mon corps me dégoutait complément. Aujourd’hui je commence à accepter ce corps qui a été détruit. J’essaie de recoller ce qui a été brisé. Je n’avais pas une vision particulière du sport avant mais c’est une véritable thérapie car il m’oblige à prendre soin de mon corps, à travailler avec lui et surtout à me réconcilier avec lui.
Je fais du sport pour mon bien-être alors qu’à la base, je pratiquais pour me défouler et fuir mon quotidien violent. Du coup, je vois le sport comme un moyen de me sentir bien et de performer. C’est depuis mes 15 ans, un besoin vital dont je ne peux me passer. Il me faut ma session quotidienne pour que mon équilibre soit total. Je me considère comme sportive aujourd’hui, notamment grâce à mes diplômes et mes compétences physiques. Pour moi, une sportive a une méthode d’entraînement, chose que je n’avais pas auparavant.
Quels ont été ton meilleur et ton pire moment sportif ?
Mes meilleurs souvenirs sont liés au football, lors des tournois de football. J’étais toujours heureuse de recevoir des trophées en tant que meilleure joueuse du tournoi.
Un mauvais moment sportif a été lors d’un match de football. Le coach m’avait convoquée, je m’étais donc échauffée pour pouvoir entrer sur le terrain mais je suis restée 90 minutes sur le banc les larmes aux yeux, frustrée de cette situation.
Quel est ton prochain objectif ?
Sportivement, je souhaite participer à Miss Fitness France, un concours basé sur les performances physiques.
A titre personnel, j’aimerais créer mon association pour aider des femmes victimes d’attouchements. C’est un sujet encore très tabou surtout dans les familles africaines, je n’en n’avais jamais parlé auparavant. Je me souviens de la question de ma famille lorsque j’avais enfin dénoncé les actes incestueux de mon violeur : « Il y a eu pénétration ? » J’ai répondu : « non », ils m’ont alors répondu que ce n’était rien. J’étais tellement sous le choc que je suis allée porter plainte. J’ai pris ce risque car j’étais toute seule dans la démarche, sans aucun soutien de ma famille. Ils ont même décidé de me renier, nous ne sommes plus en contact depuis quelques années. Et c’est aussi pour cela que je souhaiterais aider d’autres femmes, victimes comme moi et qui n’ont pas souvent le soutien nécessaire de leur proche.
En tant que femme a-t-il été plus ou moins difficile de commencer (et d’exercer) une activité physique par rapport à tes barrières, la société, le regard des autres ?
En tant que femme c’est compliqué de se faire une place, encore plus pour les femmes noires, on doit travailler dix fois plus pour être reconnue. Un exemple concret : un jour dans la salle de fitness où je travaille, une adhérente m’a demandé si j’étais la femme de ménage. Dans le domaine du fitness les femmes sont moins prises au sérieux, la société pense qu’une femme n’a pas les connaissances requises pour faire de la musculation. Alors que nous faisons les mêmes formations et les mêmes écoles que les hommes.
Quel message pourrais-tu livrer aux femmes et aux jeunes filles ayant envie de faire du sport mais n’osant pas ou aux femmes qui se persuadent que le sport n’est pas fait pour elles ?
Jetez-vous à l’eau ! Tant que vous n’essayez pas, vous ne saurez jamais si c’est fait ou pas pour vous. Nous vivons dans une société ou on oublie l’essentiel : le bien être.
Si vous avez des rêves, donnez-vous les moyens d’y arriver. Rien n’est facile dans la vie et c’est justement ça qui est gratifiant, le résultat ne sera que plus savoureux.