Louise m’a envoyé un message afin de participer au projet et de partager son expérience sportive. Nous nous sommes rencontrées vers la Bibliothèque Nationale de France à Paris pour échanger sur le féminisme, la vision des danseuses en talons et le dégoût de l’EPS à l’école. Let’s Go Girlz !
Quel(s) sport(s) pratiques-tu ? Et à quelle fréquence ?
Je fais de la danse street jazz entre une et trois fois par semaine et j’essaye d’aller courir une fois par semaine mais je tiens assez mal le rythme. Je fais aussi un cours workout d’abdos et d’étirements tous les matins pour améliorer mon maintien à la danse (et pour perdre un peu de gras aussi, j’avoue).
Quand as-tu commencé le sport et quelles étaient les raisons à l’époque ?
J’ai commencé la danse vers mes 8 ans, j’ai pris des cours de danse classique et de chorale. Cela faisait partie d’un tout, j’y allais pour être avec mes copines, je ne vivais absolument pas ça comme un sport. D’ailleurs, tous les autres sports étaient exclus car je vivais très mal les cours d’EPS à l’école. Puis j’ai complètement arrêté à cause de mes études et du peu de temps libre que j’avais.
Je me suis inscrite en salle de sport, principalement pour maigrir. Mais c’était devenu une obligation et j’ai stoppé.
J’ai repris la danse de façon plus intense il y a un an et aujourd’hui je ne pourrais plus m’en passer.
Où pratiques-tu ton sport et quel est ton spot favori ?
Je prends des cours à Paris au Studio Harmonic et parfois au Centre de Danse du Marais. Quand je me suis renseignée pour reprendre la danse, j’avais plusieurs critères de choix de mes cours : ils devaient être le soir en semaine, pas un rythme obligatoire chaque semaine. Je ne voulais pas m’imposer une contrainte avec un cours que je serais obligée de suivre chaque semaine, et donc culpabiliser si j’avais un empêchement. J’ai finalement choisi le street jazz, qui reprend des bases de modern jazz avec de la musique assez commerciale comme j’aime.
Je suis actuellement le même cours tous les lundi soirs, avec Delphine Lemaitre. Une chorégraphie est travaillée sur deux semaines : c’est parfois un peu court pour la maîtriser complètement et ça peut être frustrant mais ça a l’avantage de nous faire travailler différemment, sur plusieurs styles tout au long de l’année.
Une fois les cours commencés, j’ai découvert que le street jazz se pratiquait aussi en talons et j’ai adoré l’idée de mélanger un cours de danse et un sport cardio avec un travail de l’attitude et de sensualité. Pour le street jazz talons, je suis les cours de Nadine Timas et Charlotte Baret dans des styles différents mais très complémentaires.
Qu’est-ce que t’apporte le sport au quotidien ?
J’ai remarqué progressivement des changements sur mon corps, l’apparition de muscles dans mes jambes et d’une meilleure flexibilité principalement. Ça m’a vraiment fait du bien car les premiers cours étaient un peu difficiles pour l’ego : tu passes 1h30 à te juger devant un miroir, entourée de filles magnifiques avec des jambes de 10 mètres. Je suis sûre que tout le monde pense ça dans la salle car tout le monde a des complexes, mais pendant les premiers cours j’ai vraiment eu l’impression d’être un hippopotame au milieu de gazelles.
Ça m’est passé et aujourd’hui j’apprécie la silhouette et la tenue que la danse m’apportent au quotidien, j’apprécie de plus en plus ce que je vois dans le miroir.
Le sport a-t-il changé la vision que tu avais de toi et ta vision du sport en elle-même ?
Complètement car j’ai toujours eu un rapport très conflictuel avec le sport. Je séchais les cours d’EPS dès que possible au collège et au lycée, c’était la seule matière où j’étais la dernière, j’avais beaucoup de problèmes avec mes profs de sport. Au lycée on m’a diagnostiqué un asthme d’effort et je me suis dit qu’à partir de là c’était fini, je ne serai jamais sportive et je serai éternellement essoufflée en courant après le bus. Pendant mes études supérieures, je me suis acharnée à m’inscrire dans des salles de sport, tout en détestant ça, pour me dire que ça compensait tous mes écarts alimentaires.
Quand j’ai repris la danse il y a un an, j’avais oublié à quel point c’est un sport intense et je me suis rendu compte que je pouvais être sportive, que ça n’impliquait pas forcément de soulever de la fonte et de courir des marathons. Depuis j’ai un peu commencé à courir, même si je ne suis pas fan, pour améliorer mon souffle, pour danser mieux et plus longtemps.
La danse en talons est un sport que je n’aurais pas fait il y a quelques années. J’aurais certainement pensé « c’est pas pour moi, c’est un truc de pétasse ou de pouf ». Depuis je me suis ouverte au féminisme et j’ai compris qu’il y a mille façons d’être une femme, de se sentir féminine et de l’exprimer comme on l’entend.
« Être une femme pour moi aujourd’hui, c’est être multiple. »
Avec le street jazz talons, j’ai pris confiance en moi et en ma capacité à être sexy, ce dont je doutais beaucoup. J’ai toujours été la première à me lancer sur la piste de danse en soirée et à oser me lâcher mais ça faisait partie d’un rôle. Aujourd’hui, je danse sexy mais avec un peu plus de premier degré, et j’assume.
Quels ont été ton meilleur et ton pire moment sportif ?
Mon pire moment sportif sur toute ma vie a certainement été les cours d’endurance au lycée, 3×500 mètres. J’ai passé tout un hiver à vomir au 2ème tour de stade, à cracher mes poumons et à supplier la prof de me laisser faire autre chose.
Mon pire moment à la danse depuis ma reprise a été un cours où j’ai complètement lâché la chorégraphie à la moitié du cours et je suis restée prostrée dans un coin de la salle à regarder les autres les larmes aux yeux, en me disant que je n’y arriverais jamais. Je m’en suis pas mal voulu et depuis je n’ai jamais lâché un cours, quitte à occulter une partie de la chorégraphie mais à tenir ce que je maîtrise.
Mon meilleur moment à la danse a été pendant l’un de mes premiers cours en talons avec une prof dont je suivais les cours depuis très peu, qui m’a fait passer seule devant les autres élèves. J’étais terrifiée mais j’ai adoré ! Le soutien des autres qui motivent et encouragent quand la musique commence, la confiance témoignée par la prof, ça m’a boostée pour des mois !
Quel est ton prochain objectif ?
Je suis partie en Corée du Sud une semaine fin octobre et j’ai suivi des cours dans un studio hyper réputé qui s’appelle One Million Dance Studio. Avoir la barrière de la langue, un style différent de ce que j’ai l’habitude de faire a été un vrai challenge.
En tant que femme a-t-il été plus ou moins difficile de commencer (et d’exercer) une activité physique par rapport à tes barrières, la société, le regard des autres ?
Je pense que pour pas mal de sports c’est difficile de se lancer en tant que femme, mais pour la danse je suis plutôt épargnée. En revanche, pendant la période où j’ai pris des cours ados, j’étais entourée de filles qui tenaient vraiment à entretenir le cliché de la danseuse pimbêche : elles m’appelaient la grosse, elles se moquaient de mes difficultés et des bases de classique que je n’avais pas. J’ai découvert que dans les cours adultes, ces filles ont disparu. Comme partout, il y a des idiots mais j’ai découvert une bienveillance et un soutien entre élèves absolument infaillibles ! Surtout pendant les cours de talons, où on se dévoile plus et on peut être plus self-conscious, on s’applaudit, on se soutient, on s’inspire, c’est super.
Quel message pourrais-tu livrer aux femmes et aux jeunes filles ayant envie de faire du sport mais n’osant pas ou aux femmes qui se persuadent que le sport n’est pas fait pour elles ?
Je leur dirais de ne pas faire la même erreur que moi qui ai attendu beaucoup trop longtemps avant de m’y remettre : lancez-vous ! Inscrivez-vous à des cours débutants, essayez plusieurs styles, plusieurs chorégraphes et surtout kiffez.
Beaucoup de jeunes danseurs veulent faire comme les chorégraphes hyper connus sur Instagram et oublient de prendre des cours pour apprendre et travailler. Se filmer est hyper utile pour voir ses défauts et ses progrès mais en danse, 80% est dans la tête et dans la confiance donc profitez, oubliez les autres et dansez !