Adèle a créé plusieurs podcasts féministes : Clitosaure, un podcast dans lequel des meilleures potes parlent de leurs expériences en tant que minorité de genre et l’Olympiade femelle, un podcast sur les multitudes de féminismes confrontés aux multitudes de pratiques sportives. Adèle est une femme engagée qui a d’ailleurs choisi un sport à prédominance féminine : le roller derby. Let’s Go Girlz !
Quel(s) sport(s) pratiques-tu ? Et à quelle fréquence ?
Je fais du roller derby depuis 6 ans (2 à 3 séances par semaine), de l’escalade en bloc quand j’ai le temps (1 fois par mois à peu près). Et j’ai commencé depuis peu, des cours de danse (chair dance, exotic floor work et groove) pour avoir plus de techniques et pourquoi pas faire des shows.
Quand as-tu commencé le sport et quelles étaient les raisons à l’époque ?
Enfant, j’accompagnais mes soeurs à leurs cours d’aérobic. Leur professeure Arielle avait créé un cabaret et mes soeurs performaient dans sa troupe. J’étais fascinée par ces femmes qui dansaient perchées sur des hauts talons et emmitouflées dans leurs plumes. Cette même professeure a créé des cours de danse pour enfant auxquels j’ai participé pendant un an. J’ai arrêté suite à un changement de professeure.
Vers 8 ans, je demande à m’inscrire au volley-ball. Ne voulant pas y aller seule, j’affiche un mot dans mon école pour trouver une camarade. Suite à cette affiche, une nana de mon école me contacte. Elle devient alors ma coéquipière et très rapidement ma meilleure pote. J’ai pratiqué le volley-ball dans différentes structures dans les villes proche de mon domicile. Le dernier club était bien plus adapté que les précédents. C’était un beau gymnase, super propre, avec des grands vestiaires rien que pour nous. Nous avions un coach génial, malheureusement il nous insultait régulièrement. Un jour il m’a agressée physiquement alors j’ai arrêté ce sport que j’aimais tant.
Vers 14 ans, je me suis mise à la boxe anglaise sur les conseils de mes proches qui suggéraient que ce sport pourrait me défouler. J’étais une personne très impulsive et violente à l’époque. Je suis devenue vice championne régionale de boxe en catégorie 54 – 57 kilos (avec un bonus triche, car je ne pesais que 51kg : on m’a rajouté une ceinture pleine de pièce pour que je soit plus lourde à la pesée). Au bout de deux ans, j’ai changé d’entraîneur. Le nouveau coach était champion du monde. Il ne s’intéressait et ne s’adressait qu’aux mecs. Pour lui, les meufs n’avaient clairement pas leurs places sur un ring. J’ai arrêté un sport que j’aimais, pour la seconde fois, à cause des comportements sexistes d’un mec.
A 19 ans, je tente de reprendre le volley-ball. Malheureusement mon niveau n’est plus assez bon et intéressant. Je suis reléguée en équipe 2, l’équipe poubelle. Nous n’avons pas de coach et tout le monde s’en fout de nous. J’arrête le volley.
Puis je pars à Bordeaux et je retente le volley-ball, parce que vraiment je tiens à ce sport ! J’ai alors 20 ans et tous les clubs me rejettent “t’es trop vieille pour intégrer une équipe”.
Un jour, en revenant de teuf, je tombe sur un article dans lequel il est question de roller derby. “Sport de meufs sur patins à roulettes. Tous gabarits, tous niveaux, tous âges”… Je fonce ! Je décide de m’inscrire dans la ligue du Roller Derby Bordeaux Club. C’est une révolution pour moi. Ce sport m’éveille au féminisme, je me conscientise sur les différents systèmes oppressifs. Il y a une multitude de corps et de profils. Il y a des meufs vieilles, des meufs trans, des personnes non binaires, des personnes grosses… Je découvre que mon corps n’est pas seulement une enveloppe esthétique, mais c’est aussi une arme puissante, un outil qui me permet d’être plus agile, performante, endurante.
Au bout de trois ans, je monte à Paris pour les études. Là bas, je rejoins les PRG (Paris Roller Girls).
Où pratiques-tu ton sport et quel est ton spot favori ?
Je pratique le roller derby au sein de l’association Paris Rollergirls en équipe B (et j’espère bientôt en équipe A).
Les cours de groove sont au lax dance studio (que je conseille à fond) et j’ai pris des cours de chair dance et d’exotic floor work avec Olala Party, qui est un cabaret burlesque.
Qu’est-ce que t’apporte le sport au quotidien ?
Je suis une personne hyper sensible et j’ai toujours été en colère contre les injustices. En pratiquant, le roller derby, je me suis conscientisée, aujourd’hui je me déconstruis en tant que minorité de genre et en tant qu’oppresseure. C’est grâce à ce sport que je me suis mise à faire du podcast, notamment Clitosaure.
J’ai été boulimique vomitive pendant 9 ans et j’ai pris beaucoup de drogues dure. Le roller derby m’a clairement sauvé la vie (Cf épisode n°4 de la saison 2 de clitosaure).
Le roller derby est un miroir rétrécissant de la société. Les oppressions sont réduites, elles existent mais elles sont moins importantes que dans le reste de la société. Le roller derby est ma communauté, c’est aussi un moyen de me dépenser et de me fixer des objectifs. Bref, c’est ma bulle d’oxygène.
Le sport a-t-il changé la vision que tu avais de toi et ta vision du sport en elle-même ?
Pendant très longtemps j’ai cru que je n’étais pas sportive. Il a fallu que je pratique 11 heures de roller derby par semaine pour me rendre compte que je l’étais. Etant donné que c’est un sport féministe, on s’autorise à se sentir sportive. Il n’y a pas de mec pour remettre en question ta capacité et ta légitimité.
Avant je pensais que c’était moi le problème, je pensais vraiment que je n’étais pas sportive. Aujourd’hui je sais que le problème est sociétal. On ne laisse pas la place aux minorités de genre dans le sport.
Quels ont été ton meilleur et ton pire moment sportif ?
L’un de mes pires souvenirs c’est lorsque mon entraîneur de volley, celui qui était violent, m’a balancé des ballons à la gueule en m’insultant de tous les noms parce que j’avais raté un service tennis et qu’il se l’était pris dans la tête. J’ai été punie jusqu’à la fin de l’entraînement. Assise, sans avoir le droit de continuer le training, ni de parler. Je me suis sentie humiliée. Mais surtout à cause de son comportement j’ai dû arrêter un sport que j’adorais.
Un de mes bons souvenirs c’est une soirée d’intégration que l’on a organisée avec ma ligue de roller derby. C’était à Bordeaux, dans la grande maison où je vivais en coloc. On a d’abord organisé un bizutage creepy mais mignon et puis on a bu et dansé toute la nuit.
Quel est ton prochain objectif ?
J’aimerais bien rejoindre l’équipe A en tant qu’alternate (rester en équipe B et être remplaçante en équipe A) pour me confronter au niveau de la A, et m’y former. Le niveau de la B étant extrêmement hétérogène.
En tant que femme a-t-il été plus ou moins difficile de commencer (et d’exercer) une activité physique par rapport à tes barrières, la société, le regard des autres ?
J’ai rencontré énormément de barrières depuis ma toute petite enfance. Mon chemin de sportive a croisé des entraîneurs sexistes, violents, autoritaires. En tant que meuf et en tant que minorité de genre, nous partons avec un gap énorme. Moins de moyens financiers sont mis à disposition, nous avons peu ou pas d’infrastructures qui nous sont directement destiné, les coachs sont moins performants, la visibilité moins importante, et les clichés oppressifs subsistent. C’est pour toutes ces raisons que j’ai créé le podcast L’Olympiade femelle.
Quel message pourrais-tu livrer aux femmes et aux jeunes filles ayant envie de faire du sport mais n’osant pas ou aux femmes qui se persuadent que le sport n’est pas fait pour elles ?
Venez me voir, je vais vous motiver !