C’est Tara qui m’a contactée pour participer au projet Go Girlz. Et c’est encore elle qui m’a proposée de se rencontrer dans un salon de thé trop mignon vers Bastille. Tara a 23 ans et une énergie débordante, engagée et pleine de vie, elle t’explique sa passion pour le handball . Let’s Go Girl !
Quel(s) sport(s) pratiques-tu ? Et à quelle fréquence ?
Je fais du handball en compétition depuis 14 ans maintenant et du yoga depuis un an. J’ai deux entraînements de hand par semaine et un match le week-end. Concernant le yoga, j’ai également deux cours par semaine et j’en fais chez moi tous les matins.
Quand as-tu commencé le sport et quelles étaient les raisons à l’époque ?
J’ai commencé le sport à l’âge de 7 ans. Mes parents souhaitaient que j’ai une activité physique régulière mais ils voulaient également que je puisse choisir le sport qui me conviendrait le plus. Donc pendant trois ans, j’ai testé plusieurs sports (basket, tennis, foot, athlétisme, GRS, handball, natation) dans des programmes de « multisport » que la mairie de ma ville proposait. A l’issue de ces trois ans, j’ai choisi le handball. L’entraîneur que j’avais eu à l’époque trouvait que je me débrouillais bien. C’était également l’année des J.O. et voir du handball en haut niveau à la télé m’avait convaincue, j’ai eu un déclic. Du coup, mes parents m’ont inscrite dans le club de ma ville à la rentrée.
Pour le yoga, le premier cours est au sein d’un studio de danse à Paris. L’été, la prof nous emmène pratiquer dans le Parc André Citroën. Le deuxième cours est assuré par un professeur de ma ville (Guyancourt) dans une salle polyvalente prêtée par la mairie.
Qu’est-ce que t’apporte le sport au quotidien ?
Au quotidien, le sport me permet d’être plus en forme physiquement, de me sentir plus forte. C’est aussi quelque chose qui me calme et apaise toutes mes tensions, qu’elles soient physiques ou mentales. C’est aussi une habitude qui me tranquillise parce que j’ai le sentiment de prendre soin de moi et j’aime voir mon corps se muscler et se transformer en fonction de ma pratique.
Le sport a-t-il changé la vision que tu avais de toi et ta vision du sport en elle-même ?
Le fait de pratiquer un sport très tôt m’a beaucoup aidée. Comme je n’ai pas connu une longue période de ma vie sans sport, c’est difficile pour moi de dire ce que ça m’a apporté réellement. En revanche, je peux imaginer ce que ma vie aurait été sans sport. Et ça me fait un peu peur.
En fait, je dirais que dans un premier temps, le sport m’a aidée à me sentir forte physiquement, à ne pas me mettre de barrières dans ce que je pouvais entreprendre et à être très vite plus à l’aise avec mon corps.
De mes 7 ans à mes 13 ans, je n’avais pas proprement conscience de mon corps, j’étais un tout insouciant qui vivait bien. Typiquement, contrairement à mes camarades de classe au collège, j’adorais les cours d’EPS et je m’amusais vraiment.
Par la suite, j’ai pris conscience de mon aspect physique avec toutes les petites remarques qui vont bien et qui font honte alors que, clairement, il n’y avait pas de raison. Les enfants sont cruels. A l’époque, j’étais un peu ronde (et encore…) mais ça ne m’avait jamais empêchée de bouger et de pratiquer les sports que j’aimais. J’ai tout de même commencé un régime et perdu beaucoup de poids. A cette période, j’ai également été sélectionnée en équipe départementale (au hand) et j’ai donc eu des entraînements plus intensifs qui ont participé à cette perte de poids.
Et paradoxalement, à cette période de ma vie, je pense que le sport m’a aidée à ne pas développer de vrais troubles du comportement alimentaire. Déjà parce que, mine de rien, ça donne faim, que j’ai toujours eu bon appétit et que pour pouvoir courir il faut manger. Et puis, parce que faire partie d’une équipe – de filles en l’occurrence – c’est être de toute façon confrontée régulièrement à la diversité des corps et devoir constater qu’ils sont tous différents mais qu’ils n’en sont pas moins forts ou moins beaux. Je suis contente également d’avoir commencé le sport jeune et pas juste dans l’optique de maigrir, parce que de cette façon, la pratique sportive est restée pour moi un plaisir et pas un moment désagréable récompensé par une perte de poids.
Si l’on dépasse l’aspect physique, je pense que le sport a limité beaucoup de problèmes dans la confiance que je pouvais avoir en moi. Pendant longtemps, je n’ai pas eu confiance en moi dans plein de domaines. Mais malgré tout, il y avait au moins un domaine dans lequel je me sentais bien et légitime, c’était le sport. Et c’est toujours le cas.
De plus, la pratique d’un sport m’a appris a être plus attentive à moi-même, à comprendre mes limites. Et paradoxalement, j’aime faire du sport de façon intensive, parfois douloureuse et me dépasser dans cette douleur là.
« C’est une façon pour moi de lâcher prise, de perdre un peu le contrôle que je m’impose peut-être un peu trop au quotidien. »
Le fait de faire du sport depuis un moment m’a aussi permis de comprendre ce que je recherchais dans la pratique sportive. Je suis passée du loisir à la compétition sans vraiment le vouloir et même si j’ai vécu de très beaux moments de cohésion et de sport avec les différentes équipes de handball dans lesquelles j’ai joué, je sais que la compétition en haut niveau (pour l’âge que j’avais) n’est pas ce qui me plait le plus.
Aujourd’hui, je fais toujours de la compétition mais à un niveau qui me convient mieux et où le plaisir de jouer est avant tout mis en avant. J’ai envie de gagner des matchs mais surtout de m’éclater sur le terrain et dans une bonne ambiance.
En tout cas, et de façon plus globale, le sport m’a très certainement apporté une structure, une rigueur et un goût de l’effort non négligeable. C’est aussi un bon moyen d’apprendre la patience et l’endurance. En tant que femme, je pense qu’il m’a permis de ne pas me poser de questions sur mes capacités physiques et donc sur les limites que celles-ci pouvaient m’imposer. Je n’ai jamais eu peur de me confronter aux garçons puis aux hommes. Le sport m’a très certainement aidée à devenir féministe sans que je m’en aperçoive, en balayant sur son passage tous les doutes que j’aurais pu éventuellement avoir sur mes capacités en tant que femme. Il m’a permis de m’imposer là où d’autres personnes n’osaient pas, en me donnant un minimum de confiance en moi et en faisant en sorte que je me sente un minimum bien dans ma peau.
« Le sport m’a permis de me sentir puissante et capable dès le début de ma vie de femme. »
Quels ont été ton meilleur et ton pire moment sportif ?
J’ai eu beaucoup de très beaux moments sportifs, je pense que c’est l’un des avantages de pratiquer un sport d’équipe en compétition. Je pense que l’un des plus beaux, c’est un match de handball que l’on a gagné « grâce » à moi. J’étais gardienne de but et j’ai arrêté un penalty qui nous aurait fait perdre le match s’il avait été marqué. Je me souviens de la réaction de toute mon équipe, des filles qui ont hurlé de joie en courant pour venir me serrer dans leurs bras et de notre entraîneur qui m’a embrassée sur le front. Je crois que j’ai pleuré de joie ce jour-là.
Mon pire moment sportif s’est étalé sur deux ans. Je me suis aperçue que je ne prenais plus de plaisir à jouer au poste de gardienne mais que je ne voulais pas arrêter le handball parce que j’aimais ça et que j’adorais mon équipe. Il se trouve que cette année, grâce à des remaniements au sein du club, j’ai pu changer de poste et revenir sur le terrain après 11 ans dans les cages. Donc ça a été un soulagement pour moi et désormais je m’éclate ! Mais les deux dernières années ont été dures moralement. J’ai dû remettre beaucoup de choses en question et oser faire part de cette décision à mon équipe, qui l’a très bien prise d’ailleurs et qui m’a accompagnée dans ce choix.
Quel est ton prochain objectif ?
Mon prochain objectif est de reprendre le vélo ! J’en faisais beaucoup avec mon père lorsque j’étais petite. Actuellement je n’ai pas du tout le temps d’en faire mais j’ai prévu de partir sur les routes d’Europe, pendant trois semaines en août. Il faut donc que je m’y remette sérieusement.
Mon vélo me procure une vraie sensation de liberté, c’est comme un vieil ami que je retrouve à chaque fois avec autant de plaisir. C’est étrange d’ailleurs, parce que mon père m’a longtemps obligée à sortir pour en faire lorsque j’avais 7-8 ans et je détestais ça. Je me souviens que chaque week-end je guettais le ciel pour savoir s’il allait pleuvoir et si j’allais pouvoir échapper à la promenade hebdomadaire obligatoire. Sur le moment c’était dur, mais je me souviens du soulagement que je ressentais en arrivant à la maison, de la bonne fatigue et de la satisfaction d’avoir tenu tout le trajet.
Sinon j’ai un objectif plus général, celui de continuer à pratiquer autant que je le fais actuellement. J’espère que ça durera le plus longtemps possible ! Je ferai tout pour en tout cas.
En tant que femme a-t-il été plus ou moins difficile de commencer (et d’exercer) une activité physique par rapport à tes barrières, la société, le regard des autres ?
Ayant débuté le sport très jeune et avec l’approbation de mes parents, je n’ai pas du tout rencontré de difficultés à commencer ou à exercer une activité physique. Tout s’est fait très naturellement.
En revanche, après avoir commencé, j’ai vite senti qu’être une femme dans le sport n’était pas toujours facile. Par exemple, dans mes premières années de handball, les équipes étaient mixtes et nous étions beaucoup moins de filles que de garçons. Du coup, pendant les matchs, ils avaient tendance à jouer entre eux, sans nous faire la passe. Cette attitude ne nous permettait pas de progresser ou, en tout cas, de montrer à l’entraîneur que nous progressions. Donc en tant que filles, nous jouions souvent dans la deuxième équipe, celle avec un niveau moins élevée, alors que notre motivation était tout aussi importante que celles des garçons. Je me souviens avoir été souvent frustrée à la fin de l’entrainement en apprenant que, le week-end, j’allais encore jouer dans une équipe qui n’était pas de mon niveau. Par la suite, cette différence s’est estompée et a même disparu puisque les équipes sont devenues non-mixtes.
En dehors de ces premières années je me suis donc toujours sentie légitime dans ma pratique sportive. C’est même quelque chose qui a toujours été bien vu par mon entourage.
Quel message pourrais-tu livrer aux femmes et aux jeunes filles ayant envie de faire du sport mais n’osant pas ou aux femmes qui se persuadent que le sport n’est pas fait pour elles ?
Pour toutes celles qui ont envie mais qui n’osent pas, je dirais tout simplement : foncez ! Si vous avez envie, c’est que la plus grosse partie du chemin est faite. Le reste, ce n’est qu’une question de temps et de persévérance. Peut-être qu’au départ vous vous sentirez un peu maladroites, pas à votre place ou jugées mais si vous avez l’envie, ça passera très vite !
Il faut que vous gardiez en tête que seule votre décision compte et que personne n’a rien à vous dire. Si vous avez envie de faire du sport, c’est probablement pour y prendre du plaisir, alors prenez-le et surtout sans permission.
Ensuite, gardez en tête que même les plus grands sportifs ont débuté et qu’ils n’ont pas toujours été aussi à l’aise qu’ils peuvent le montrer.
Une autre chose très importante : il ne faut pas hésiter à essayer plusieurs sports. Si vous ne vous sentez pas à l’aise dans une pratique, si vous ne prenez aucun plaisir dans ce que vous faites, si vous y aller chaque semaine en traînant les pieds, c’est peut-être que le sport que vous pratiquez ne vous convient pas. Essayez-en plusieurs et accordez-vous le droit de changer d’avis. Tout comme nous n’avons pas tous les mêmes goûts, tous les sports ne nous conviennent pas forcément ! C’est aussi pour cette raison qu’il est important, à mon sens, de connaitre les raisons pour lesquelles vous décidez de pratiquer. Si c’est une contrainte, peut-être qu’il faut que vous vous interrogiez sur vos motivations et sur ce qui vous ferait vraiment du bien. Et peut-être que ce n’est pas le sport.
« Ecoutez-vous, c’est la clé. »
Maintenant, à toutes celles qui considèrent que le sport n’est pas fait pour elles. Peut-être qu’il est d’abord important de s’interroger sur les raisons qui vous poussent à croire cela. Si c’est physique, je pense que la société ne nous aide pas. C’est vrai que l’on voit de plus en plus de d’images de corps « parfaits » circuler sur internet, avec souvent le sentiment qu’il n’y a que ce genre de physiques qui peuvent se permettre de faire du sport. Mais c’est faux. Chaque corps est légitime dans le sport et il est important de ne pas croire tout ce que l’on nous montre. Peu importe son poids, peu importe sa taille, le sport ne doit pas être un outil de paraître mais simplement un moyen de se faire du bien.
Le conseil que je peux donner à toutes les femmes qui peuvent douter, c’est de suivre des sportives aux physiques divers et qui sont souvent très inspirantes. Il en existe plein sur Instagram par exemple.
Demandez-vous également quelle image vous avez du sport. Peut-être que vous considérez que c’est difficile, douloureux et donc pas fait pour vous, alors que ce n’est pas forcément le cas. Mon conseil dans cette situation est de faire des recherches sur tous les sports qui existent pour que vous ayez une idée de l’offre sportive. Il existe en effet des sports très doux qui n’en sont pas moins des sports et qui peuvent vous apporter beaucoup de bien-être.
Mais la priorité reste toujours le bien-être. Si vous ne vous sentez pas bien dans le sport, arrêtez ou changez. Si vous vous éclatez ou si vous savez que vous allez vous éclater, foncez et ne lâchez rien !
« Vous êtes légitimes partout, tout le temps. »