Florence m’a envoyé un message pour me proposer de partager son experience. Florence est sourde mais ce n’est absolument pas ce qui l’identifie. C’est une femme pleine de force et de douceur qui pratique le trail. Let’s Go Girl !
Quel(s) sport(s) pratiques-tu ? Et à quelle fréquence ?
Je pratique la course à pied et le trail. J’aime autant courir dans la nature que sur la route, je ne veux pas choisir entre les deux.
Je cours trois fois par semaine. À cela, je rajoute un peu de vélo et de natation pour varier mes entraînements et limiter un peu la casse (due aux impacts des chocs sur le corps avec la course à pied).
Quand as-tu commencé le sport et quelles étaient les raisons à l’époque ?
Plus jeune j’ai testé différents sports (escrime, danse), mais aucun ne me plaisait véritablement.
Je me suis remise au sport il y a trois ans. J’étais étudiante en soins infirmiers en première année, j’étais confrontée à la douleur, à la mort. J’étais submergée par le stress. J’avais besoin de me défouler après mes journées de stage et surtout de me sentir vivante. Un jour, j’ai mis des baskets aux pieds, j’ai du courir pendant 20-30 minutes, j’avais les poumons en feu mais je ne me suis jamais sentie aussi bien, et depuis je n’ai plus arrêté !
Aller courir me paraissait plus accessible qu’une salle de sport et je cherchais avant tout à pratiquer une activité seule. J’ai enfin trouvé ce quelque chose que je recherchais dans le sport ! Quelque chose qui m’anime, me stimule.
Où pratiques-tu ton sport et quel est ton spot favori ?
C’est là que tout a commencé, le Moulin-Blanc à Brest. J’adore courir sur les sentiers côtiers, dans les forêts, en pleine nature.
Qu’est-ce que t’apporte le sport au quotidien ?
La course à pied m’apporte un équilibre. Le sport m’aide aussi à me sentir mieux dans mon corps, de construire mon épanouissement, d’apprendre à dépasser mon handicap, de gérer mon stress. J’adore les trails. À chaque fois que j’en fais un, ça me rebooste, ça me donne l’impression que je suis une femme puissante. Je repousse mes limites, c’est une passion vibrante qui stimule mon quotidien, qui m’apporte de l’énergie et du bonheur ainsi que de la quiétude.
« La course à pied me permet de reprendre le contrôle sur moi, de prendre des décisions, de me défouler. »
Pendant mes études d’infirmière, je savais que je n’allais pas être diplômée en même temps que mes collègues car il me restait un stage à valider. C’est là que j’ai décidé de faire un marathon. Pour moi, si j’arrivais à la fin de mon marathon, alors j’étais capable de finir ma formation. Dans les trails, il y a toujours des hauts et des bas et bien dans la vie, c’est pareil. La course à pied m’a appris à ne rien lâcher et de ne pas abandonner même quand les choses ne vont pas dans notre sens.
Courir me permet également de chercher des réponses à mes questions : comment est-ce que je vois ma surdité ? Est-ce que je lutte contre ? Est-ce que je la refuse ? Qu’est-ce que je peux faire ? Je sais que je n’ai pas fini de m’interroger.
Le sport a-t-il changé la vision que tu avais de toi et ta vision du sport en elle-même ?
J’avoue que mes proches n’ont rien compris à ce qui s’est passé quand je me suis mise à la course à pied et au trail ! Le sport m’a appris à arrêter de me considérer comme une moins que rien (même si ce n’est pas toujours facile).
La vision que j’avais de moi-même a évolué. Aujourd’hui j’ai bien plus confiance en moi, je m’autorise à faire plus de choses. Ça m’a permis de faire péter certaines barrières, comme répondre à cette interview.
Avant de courir, le sport ne m’intéressait pas forcément. Depuis que j’ai trouvé le sport qui me convient, il fait partie intégrante de ma vie. Je lis des livres, des biographies de sportifs et sportives, pour comprendre leurs motivations, leurs histoires et m’en inspirer.
Quels ont été ton meilleur et ton pire moment sportif ?
J’ai beaucoup de bons moments, c’est dur d’en choisir un seul alors je parlerais de mon premier marathon, les regards de fierté de mes parents à l’arrivée. Et l’immense fierté que j’ai pu ressentir quand j’ai atteint mon objectif. Faire un marathon m’a permis d’avoir plus confiance en moi.
Mon pire moment sportif, c’est avoir eu l’idée de faire mon premier semi-marathon alors que je n’étais pas du tout préparée. Je pensais que le trail et la route, c’était un peu le même effort mais non, je me suis trompée. J’ai quand même fini avec un temps honorable mais j’ai souffert du début à la fin !
Quel est ton prochain objectif ?
Je viens de finir un de mes objectifs de l’année : le trail de 56 kms de Vannes (Ultra Marin). Le grand raid (177 kms) me fait rêver mais je me trouve encore jeune et je préfère me construire une base solide doucement mais sûrement. Comme dirait le proverbe, « qui veut voyager loin ménage sa monture ». Sur ce trail, il y avait peu de dénivelé mais il faut avoir une bonne capacité d’adaptation entre le sable, les sentiers jonchés de racines, les cailloux, etc. Ce fut une course incroyable pendant laquelle j’ai pu tester mon corps et ses limites. Il faisait très chaud ce jour-là, j’ai commencé à me sentir mal au bout du 37ème kilomètre, j’ai été prise de nausées, mais je sentais qu’il ne fallait pas que je m’arrête. J’ai continué en marchant, je savais que mon corps allait repartir mais il fallait attendre le moment. Après deux, trois kilomètres, j’ai pu repartir et reprendre ma course en courant. Ce que je retiendrai de cette course, c’est que le corps est une machine incroyable ! Vers la fin, en arrivant sur l’esplanade du port de Vannes, mon corps a trouvé l’énergie de sprinter malgré les 8 heures et 40 minutes de course.
Quand je raconte mon expérience, les gens trouvent ça fou de courir une telle distance. Mais, pour moi, cela va bien au-delà d’une simple histoire de compétition et de course à pied. Courir me permet d’explorer le potentiel de la vie, de voyager à l’intérieur de soi.
Quand je dois affronter une situation dans la vie quotidienne où je n’ai pas tellement confiance en moi par exemple, je pense à ce que j’ai pu faire « sportivement » et ça m’aide.
Ce qui compte pour moi, quand on a un objectif, c’est le chemin à parcourir car c’est lui qui nous enseigne la meilleure façon d’y parvenir.
En tant que femme a-t-il été plus ou moins difficile de commencer (et d’exercer) une activité physique par rapport à tes barrières, la société, le regard des autres ?
Quand je me suis mise à la course à pied et au trail, j’ai découvert que c’était un sport « masculin » même si ces temps-ci, cela se tend à se féminiser et heureusement !
Je ne me sentais pas du tout légitime, je m’imposais des barrières par peur du regard des autres. Des fois, sur la ligne de départ, je me dis « ouhlala qu’est ce que je fiche ici, y a pas une seule fille de mon âge » mais avec le temps, on finit par se faire confiance, ainsi qu’à son corps et on explore le potentiel qu’on a.
À mes débuts, il est vrai que j’avais peur de courir seule, de me rendre aux courses seule. J’y allais accompagnée d’un ami et avec le temps, j’ai fini par OSER me rendre seule à certaines courses.
Quel message pourrais-tu livrer aux femmes et aux jeunes filles ayant envie de faire du sport mais n’osant pas ou aux femmes qui se persuadent que le sport n’est pas fait pour elles ?
Il faut OSER, écouter sa petite voix qui vous dit « allez, fais-le ». On a le droit de faire du sport pour soi plus que les autres et de se donner le droit de réaliser des objectifs de dingue. Quand j’ai mis mes baskets pour la première fois, je n’aurai pas parié une seconde que ça allait littéralement changer ma vie ! Se mettre au sport peut vous faire changer le cours de votre existence. Vous ne voyez plus les choses de la même manière.