Louisa est une femme pleine de vie et de rire, nous avons partagé un moment dans un bar à côté de la fontaine Stravinsky dans laquelle trône une statue de Nikki de Saint Phalle. À l’image des nanas de Nikki, Louisa a de la gouaille et elle dépote sportivement parlant. Let’s Go Girl !
Quel(s) sport(s) pratiques-tu ? Et à quelle fréquence ?
En ce moment je pratique le CrossFit 3 à 4 fois par semaine en fonction de mes impératifs et surtout de mon énergie. C’est une pratique sportive assez éreintante, entre mon rythme de vie déjà soutenu avec mon alternance, la fin de mes études et mes cycles de sèche (une phase de perte de gras où je mange à un déficit calorique, mais maintiens ma masse maigre, pour atteindre plus de définition musculaire) depuis 10 mois, j’avoue que je suis fatiguée.
Je pratique aussi du yoga de temps en temps, mais j’aimerais être plus assidue. Et de l’équitation.
Quand as-tu commencé le sport et quelles étaient les raisons à l’époque ?
J’ai commencé le sport enfant. Je faisais de la danse moderne jazz puis de la danse classique et de la natation en compétition. J’ai commencé parce que j’aimais bouger, j’aimais danser et j’avais beaucoup d’énergie.
Je me souviens que je n’ai pas aimé la transition du modern jazz au classique. Très vite une chose s’est imposée : les diktats de performance et de la minceur. Or j’étais déjà une enfant toute en formes héritées de mes racines méditerranéennes, et j’ai longtemps laissé les gens autour de moi me faire croire que j’étais « grosse » quand je n’étais juste pas filiforme comme les autres petites danseuses. Je ne rentrais et ne rentre toujours pas dans cette norme et je sentais ce regard sur moi en danse classique. La prof était autoritaire, intransigeante. J’ai fini par supplier ma mère d’arrêter au bout de deux ans de torture.
En natation, manque de chance, je suis tombée sur un coach qui n’aimait pas les enfants. Après trois ans de compétition, j’étais dégoutée de la natation que j’aimais tant pourtant. Et même encore aujourd’hui, je n’arrive plus à l’associer à un plaisir.
Entre mes 10 ans et mes 17 ans, j’ai pratiqué l’équitation, j’adorais ce sport, quand bien même les gens me disaient que ça n’en était pas. Mais suite à une chute et une cheville pétée, j’ai arrêté pendant sept mois. En reprenant, j’ai développé des peurs incontrôlables, j’étais malheureusement traumatisée et j’ai finalement dit adieu à l’équitation.
Toutes ces expériences auxquelles s’ajoute le traumatisme des cours d’EPS humiliants ont contribué à de mauvaises associations et avec une paresse de plus en plus grande à l’adolescence, j’étais persuadée que le sport n’était pas fait pour moi car je n’y éprouvais aucun plaisir. Je ne me considérais ni sportive, ni capable de l’être. Les gens qui avaient construit mon rapport au sport s’en étaient bien assurés.
À 18 ans, je m’inscris dans une salle de sport pour me vider la tête, j’étais en médecine et les cours me prenaient tout mon temps. C’était vraiment mon défouloir.
Pendant quelques années d’études je ne fais plus de sport et je prends beaucoup de poids. Du coup je m’inscris dans une nouvelle salle de sport avec une pote qui m’initie à la musculation, j’y vais parce qu’il faut y aller, pour perdre du poids. Mais je ne se suis pas assidue. En parallèle je découvre le yoga et j’accroche. J’aime pouvoir me reconnecter à mon corps, être en symbiose avec moi-même et retrouver ma souplesse.
Puis je tombe sur des vidéos Youtube de transformation physique par la musculation, je me dis que si des gens sont capables de s’investir autant dans le sport, je peux aussi le faire. À ce moment-là, je me dis que mon corps ne rentre pas dans les normes et que je m’en moque. Moi ce que je souhaite, c’est être puissante, être en bonne santé et démontrer physiquement ma force. Je retourne à la salle de sport dans une autre optique. Je n’y vais plus pour perdre du poids mais pour prendre des muscles et les développer. Je teste le CrossFit avec une pote et je ressens un plaisir infini pendant la première séance. Enfin je kiffe un sport bien au-delà de l’objectif, et en plus l’ambiance bienveillante me plait.
Où pratiques-tu ton sport et quel est ton spot favori ?
Je pratique à Paris dans une box (R2 Pereire) pour le CrossFit et le yoga (ou chez moi avec les vidéos de YogawithAdrienne).
Je n’ai pas vraiment de spots favoris pour le moment. J’aimerais essayer une belle salle comme le Klay ou la Salle De Sport de Reebok mais ce n’est pas le même budget.
Qu’est-ce que t’apporte le sport au quotidien ?
Je considère que je fais vraiment du sport que j’aime depuis l’été dernier.
Cette nouvelle tentative est différente parce que je fais enfin du sport pour moi. Parce que j’ai décidé d’être forte. Pas mince, pas socialement acceptable, mais forte. Musclée. Capable de mettre une droite à un mec qui me touche les fesses dans le métro. Capable de finir un Mud Day. Capable de faire des treks, des excursions au bout du monde sans broncher et en pétant la forme. Ne pas me sentir faible dans ma chair. C’est chose faite pour certaines de ces choses.
Au quotidien, le sport me fait me sentir incroyablement bien. Mon objectif initial en démarrant ce nouveau défi c’était de sécher sur les muscles que j’avais déjà, bien développés dans les jambes grâce à l’équitation. Maintenant j’en créée de nouveaux et je m’épate de jour en jour.
Je me sens mieux dans ma tête et mon corps, au sens de sa mouvance, de la force sous jacente que je ressens dans mon enveloppe. Chaque geste du quotidien est identique, seulement je les ressens différemment et c’est un sentiment de puissance indescriptible.
« Ça m’apporte une confiance nouvelle. Une sérénité. »
Je sais que j’en suis capable, j’ai déraciné un sentiment très fort d’impuissance ce que je pensais impossible, et cela signifie qu’il n’y a rien dont je ne puisse être capable.
Le sport a-t-il changé la vision que tu avais de toi et ta vision du sport en elle-même ?
Maintenant que je sais ce que je fais, pour quoi je le fais, surtout j’ai trouvé ce que j’aimais faire. Je ne m’impose plus la vision des autres, leurs motivations, leurs objectifs. J’ai ma façon de vivre et j’aime beaucoup cette liberté.
Je pensais avoir confiance en moi et ne pas avoir besoin de me challenger plus que ça, avec le CrossFit je me suis rendue compte qu’au contraire j’avais envie d’atteindre des objectifs personnels qui n’ont rien à voir avec les autres. Au travers du crossfit j’ai découvert la vision que j’avais de moi.
Quels ont été ton meilleur et ton pire moment sportif ?
Le meilleur moment, c’est à chaque fois que je dépasse un nouvel objectif que je me fixe. Le dépassement de soi, même dans le fun. Je fais rarement les choses à moitié, je suis très têtue. Au CrossFit ça arrive souvent car on progresse vite et c’est gratifiant. Au yoga, c’est voir qu’on a gagné quelques centimètres d’amplitude, qu’on est plus à l’aise dans des positions qui paraissaient impossibles.
Mon pire souvenir, ça tournera toujours autour de l’humiliation : celle des profs de sport, celle des anciens camarades de classe, le regard des autres dans les salles de sport. Ce prof de sport dégarni au lycée qui avait lâché en plein cours d’EPS : « si Louisa peut le faire, alors tout le monde peut le faire ». J’aimerais qu’ils me voient aujourd’hui. J’aimerais pouvoir les regarder dans les yeux quand je deadlift l’équivalent de mon poids ou que je squatte 73 kg de fonte.
Quel est ton prochain objectif ?
Commencer et finir une compétition de type Mud Day, Spartan etc. Je devais faire la Mud Day de Paris, cette année, mais je me suis défilée. Un peu pour de vraies raisons, un peu parce que je ne m’en croyais pas capable, au fond, et ça m’a fait chier de me rendre compte qu’il me restait malgré tout des blocages.
Et à moyen terme : passer une traction en strict, sans élastique pour m’aider.
En tant que femme a-t-il été plus ou moins difficile de commencer (et d’exercer) une activité physique par rapport à tes barrières, la société, le regard des autres ?
J’ai été élevée par une femme qui, bien qu’elle ne se revendique pas féministe, est la plus fervente avocate de l’émancipation des femmes. Concrètement, je n’ai compris que plus tard que le monde marchait tel qu’il est, et donc je ne me suis pas construite dans une pensée où ma condition de femme pouvait m’empêcher d’aspirer aux mêmes choses que les hommes. Ça m’a posé plein de problèmes et m’a conduite dans la confrontation plus d’une fois. On m’a élégamment traité de garçon manqué, et autres joyeusetés. Mais dans le sport en tout cas, ça ne m’a jamais empêché de faire ce que je voulais et de demander à intégrer une équipe de hockey sur glace enfant (même si ça n’est jamais arrivé), de jouer dans l’équipe des garçons quand on faisait du rugby à l’école, etc.
Il y a eu des barrières, que ce soit dans la maltraitance psychologique des profs du lycée, les regards lubriques voire amusés des beaufs des salles de sports quand j’entrais dans la zone haltero, mais je les ai surmontées sans trop de difficulté. Il faut dire que l’enjeu n’était pas très grand. C’est un autre problème dans l’espace pro, etc. Et je suis globalement quelqu’un de très affirmé, j’ai confiance en moi. Ça n’a pas toujours été le cas, mais dans le cas présent, ça m’a beaucoup aidé.
Quel message pourrais-tu livrer aux femmes et aux jeunes filles ayant envie de faire du sport mais n’osant pas ou aux femmes qui se persuadent que le sport n’est pas fait pour elles ?
Il n’y a rien qui ne soit « pas fait pour toi ». Les seules limites sont celles que tu t’imposes. C’est plus facile à dire qu’à faire tu me diras, mais c’est faux. Ta volonté et ta force sont tes meilleurs atouts. La motivation ne dure pas, mais la volonté pure, elle, s’inscrit dans ta chair.
Ose, tente, casse toi la gueule car tous les sports ne seront pas faits pour toi et tu ne réussiras pas non plus au premier essai. Mais à la fin, rappelle toi pour qui tu le fais. Et alors la question des autres, leurs regards, leurs remarques, leurs avis te semblera bien triviale. Tu n’a rien à perdre. Tu ne peux que progresser vers cette meilleure version de toi même à laquelle tu aspire.
« Fais toujours du mieux que tu peux. Ne vise pas la lune le premier jour. »
Prends ton temps même si ton temps est quatre fois plus lent que machin truc. Ne te compare pas aux autres, c’est très important. Le « body goal », c’est de la merde, tu ne seras jamais quelqu’un d’autre, mais tu peux t’inspirer des autres. N’aspire juste pas à devenir quelqu’un d’autre. Ne crois pas tout ce que te montre Instagram. Ne prends pas conseil auprès des gens qui ne sont pas qualifiés pour en donner ou qui n’ont pas tes meilleurs intérêt en tête, car tout le monde aura toujours un avis sur ton corps, ton parcours, ta tenue, tes motivations, ton entrainement, et franchement, on les emmerde. Souvent, leurs mots ne sont qu’une projection de leurs propres insécurités.
Enfin, n’hésite surtout pas à demander des conseils aux gens appropriés : des meufs sportives que tu trouve cools, des coachs, etc. C’est jamais bête si ça te permet d’avancer de plusieurs mois dans tes recherches et tes progrès, ça évite de se blesser, et les gens sont souvent ravis d’être sollicités pour de l’aide sur un sujet qui les passionne !