Camille est aussi connue sous son nom de slameuse George Ka. C’est une femme aux multiples talents qui sait gravir des montagnes. Peut-être grâce à la passion pour l’escalade transmise par son père. Let’s Go Girlz !
Quel(s) sport(s) pratiques-tu ? Et à quelle fréquence ?
Je fais de l’escalade en voie à Bleau (Fontainebleau pour les initiés) ou à Pantin en moyenne une fois par mois et en bloc une fois par semaine chez Arkose.
Quand as-tu commencé le sport et quelles étaient les raisons à l’époque ?
Mon père a toujours fait beaucoup de sport et j’en ai toujours fait avec lui. On avait ce qu’on appelait des « jeux idiots », c’était monté sur une échelle qu’il tenait à bout de bras, faire des dérapages à vélo… On passait beaucoup de temps ensemble en extérieur et j’adorais ces moments, j’avais envie de me dépasser, sûrement aussi pour lui faire plaisir, j’avais l’impression que plus c’était dur, plus il était fier, je voulais lui montrer que je n’avais pas peur.
J’accompagnais mon père dans tous ses sports, nous avons fait de la course à pied, j’ai participé à des courses officielles, nous avons joué au tennis, mais on a vite arrêté, nous partions faire des randonnées pendant une journée entière, etc. Un jour nous étions à la montagne et mon père a découvert l’escalade, il est tombé amoureux de ce sport. Dès 8 ans j’ai été embarquée dans cette aventure et je me suis retrouvée à pratiquer ce sport en montagne, on escaladait en grande voie (une voie d’escalade avec un ou plusieurs arrêts à un relais) avec un ami à lui. À Paris, nous allions à Antrebloc, une salle d’escalade à Villejuif, c’était un vieux hangar mal isolé, complètement différent des salles actuelles. J’ai commencé à faire de la compétition (départementale, régionale, interrégionale, France etc.) et à prendre des cours à côté de chez moi. En parallèle, j’allais tous les étés dans le massif des Écrins pour pratiquer l’escalade toujours avec mon père, notamment dans le deuxième spot d’escalade de France : Ailefroide. Puis vers 16 ans et suite à une blessure, j’arrête l’escalade pour me consacrer à d’autres activités. Je n’arrivais plus à grimper, j’avais peur du vide, j’ai fait un vrai rejet de ce sport. J’en faisais beaucoup, jusqu’à 10 heures par semaine, j’avais besoin de découvrir d’autres choses.
L’escalade en bloc s’est beaucoup démocratisé ces dernières années, j’ai vu une nouvelle façon de pratiquer l’escalade, mes copains ont commencé à en faire et j’ai eu envie de reprendre, il y a maintenant 3 ans, pour partager l’escalade avec eux.
Où pratiques-tu ton sport et quel est ton spot favori ?
Je pratique le bloc chez Arkose, notamment à Pantin. il existe plusieurs salles autour de Paris et dans Paris intramuros.
Pour ce qui est de l’escalade en voie, j’aime particulièrement le secteur du cul de chien à Fontainebleau, qui est une mer de sable avec des rochers en plein milieu et le bas-cuvier, qui est le site historique de Fontainebleau avec une densité importante de passage. Le spot le plus beau qui me reste en tête est celui qui m’a marquée plus jeune, Ailefroide dans le massif des Écrins.
Qu’est-ce que t’apporte le sport au quotidien ?
L’escalade est méditatif, c’est mon lien avec la nature et avec mon moi intérieur. C’est un sport ressenti, quand je suis en bas d’un bloc et que je lis le chemin que je vais devoir emprunter, je résous une énigme avec mon corps.
Je n’intellectualise pas l’escalade, mon corps passe à l’action, c’est lui le maître et je mets ma tête en pause. Je déconnecte complètement, je peux pratiquer en pilote automatique, c’est reposant de ne plus penser et de ressentir physiquement les choses. L’escalade est une distraction, c’est comme un escape game, mon corps est mon outil principal pour résoudre les énigmes. C’est hyper reposant et cela m’aide à me sentir mieux.
L’escalade est un sport connecté à un mode de vie, à des valeurs, et il fait partie de ma vie entièrement, bien au-delà du sport.
Le sport a-t-il changé la vision que tu avais de toi et ta vision du sport en elle-même ?
L’escalade est un sport qui a énormément évolué, plus jeune je le percevais comme un moment de partage avec mon père. Il y avait aussi un côté performance qui primait, je pense que j’évaluais inconsciemment ma « valeur« en fonction de mes résultats des compétitions. Aujourd’hui, c’est toujours un moment de partage mais il n’y a plus cet aspect performance, l’escalade est un moment méditatif et social qui me ressource. J’ai toujours retrouvé dans l’escalade un aspect de puissance, l’escalade m’a permis d’être débrouillarde et d’oser.
Je trouve que les sportifs qui nous entourent sont souvent performants, excellents, ce qui génère notre inhibition à nous lancer corps et âme dans une discipline qui nous est inconnue. J’ai eu peur de reprendre, peur de ne pas réussir et de me planter. Pourtant, en reprenant, j’ai remarqué qu’avec mes années de pratique, j’avais développé des réflexes naturels qui sont toujours intégrés en moi. Je vois mon corps agir et prendre les bonnes décisions, cela me permet de rentrer en dialogue avec moi-même.
L’escalade, il y a 15 ans était un sport peu connu, la communauté de grimpeurs était petite et plutôt masculine, aujourd’hui la communauté a beaucoup évolué.
Quels ont été ton meilleur et ton pire moment sportif ?
Je crois que mon pire moment c’est quand j’ai essayé de reprendre l’escalade pour la première fois après ma blessure. Je n’avais jamais vraiment eu le vertige puisque je grimpais depuis l’âge de 8 ans. Mais d’un coup je sentais la peur et mes jambes qui flanchaient, c’est comme si je me retrouvais enfermée dans un corps inconnu.
Mon meilleur moment, c’est un peu toujours le même, c’est quand je suis dans la forêt de Fontainebleau avec mes potes, parfois mon père et les siens. On est entre 6 et 12, on y passe la journée, on bosse sur les mêmes blocs, on s’encourage, on se pare, on tend des hamacs entre les arbres, parfois des potes non grimpeurs viennent juste pour chiller et jouer de la musique.
Quel est ton prochain objectif ?
Je n’ai plus le sentiment d’avoir des objectifs et c’est très agréable. J’ai envie de continuer de pratiquer ce sport parce qu’il me fait du bien, de prendre ce temps dans ma semaine, que je sacrifie trop souvent pour gagner du temps pour ma musique et mes projets.
En tant que femme a-t-il été plus ou moins difficile de commencer (et d’exercer) une activité physique par rapport à tes barrières, la société, le regard des autres ?
Je me souviens avoir grandi dans un environnement sportif très masculin, à la salle il y a avait surtout des hommes seuls ou en petits groupes, en cours j’avais surtout des copains. Mais j’étais enfant, je ne m’en rendais pas compte, tout ce que je voyais, c’est qu’on avait le même niveau, je pouvais tenir aussi longtemps, aller aussi haut, réussir des voies aussi difficiles, faire autant de tractions… Je crois que ça m’a donné une grande confiance en moi, je n’ai jamais eu l’impression que je devais attendre moins parce que j’étais une fille.
Quel message pourrais-tu livrer aux femmes et aux jeunes filles ayant envie de faire du sport mais n’osant pas ou aux femmes qui se persuadent que le sport n’est pas fait pour elles ?
Notre société promeut les corps jeunes, dessinés, valides, performants, et le sport comme le moyen pour obtenir des résultats. De nombreuses personnes entretiennent un rapport conflictuel au sport, parce qu’elles ressentent une injonction à le pratiquer. Il faut « s’entretenir », ne pas se « laisser aller ». Une injonction d’autant plus prégnante chez les femmes. Ce que j’ai envie de leur dire, c’est qu’on a droit d’envisager le sport comme une activité de loisir, comme un divertissement. On a le droit d’emmener notre corps faire du roller avec des potes alors qu’on en a jamais fait, de le plonger dans une piscine alors que malgré les efforts de notre prof d’EPS en CM2, on a jamais su nager le crawl. Il n’y a pas d’obligation à faire du sport, c’est une option, pour s’amuser, s’occuper, se dépasser, se sentir bien dans ses pompes, rencontrer des gens, se vider ou se remplir la tête. C’est pour ça que je suis heureuse de répondre aux questions de Go Girlz, pas besoin d’être athlète de haut niveau ou prof de yoga pour parler de sport, il existe une pratique récréative et décomplexée du sport à laquelle on doit avoir accès !