Portrait #108 : Nadia

Nadia a pratiqué du handball pendant de nombreuses années, notamment en ligue Nationale. Elle a vécu des échecs, des réussites, des souffrances et des victoires sportifs. Nous nous sommes retrouvées devant l’Institut du Monde Arabe, elle était radieuse et s’était appprêtée pour sa première sortie post-confinement. Cette avocate pratique aujourd’hui le cross training, découvrez son histoire. Let’s Go Girlz !

Quel(s) sport(s) pratiques-tu ? Et à quelle fréquence ?

Aujourd’hui, je fais du cross-training. Je fais deux séances minimum par semaine et jusqu’à quatre par semaine quand je peux.

A côté de ça, je suis inscrite en salle depuis quelques années maintenant et j’ai commencé en janvier 2020 un coaching individuel. J’avais envie de me mettre davantage à la musculation en me familiarisant avec les machines de la salle. 

Quand as-tu commencé le sport et quelles étaient les raisons à l’époque ?

Je suis arrivée en France à 6 ans, dans des circonstances particulières avec mon frère et ma sœur d’abord. J’ai alors commencé le handball car une des familles chez lesquelles nous vivions avait une fille de mon âge qui le pratiquait. C’était le sport familial. Je crois que le premier ballon que j’ai touché, j’ai fait une traversée du terrain en courant avec la balle dans la main, ne sachant pas qu’il fallait dribbler. 

On m’a mise au handball car il fallait que je m’intègre, autant dans cette famille, qu’à cette nouvelle vie. Nous étions les trois petits noirs qui débarquions dans ce village vendéen, il fallait s’y faire une place et pratiquer un sport collectif, c’était parfait.

Je me rappelle qu’en déménageant, lorsque mes parents sont arrivés, ma mère a essayé de me mettre au judo. J’étais grosse, en surpoids, et elle pensait que ça m’aiderait. J’ai détesté, j’ai fait une séance d’essai horrible où j’avais dû faire une figure et j’avais l’impression de rouler tel un tonneau.

Puis j’ai repris le handball dans une nouvelle équipe. La première séance a été dure, mais j’ai continué, je m’y suis fait des amis, une famille avec qui nous avons progressé, jusqu’à monter en nationale 2. J’ai même fait deux ans de sport étude.

Je suis ensuite partie un an comme jeune fille au pair aux Etats Unis après ma licence. A mon retour j’ai bougé à Paris pour poursuivre mes études de droit et j’ai joué avec l’équipe universitaire, mais je n’avais plus le temps, ni l’envie de trouver une autre équipe. 

J’ai repris le sport en salle de sport avec le cross training car pour moi, c’est viscéral, je n’ai pas eu de grosse période d’arrêt depuis que j’en fait.

Où pratiques-tu ton sport et quel est ton spot favori ?

Je pends des cours individuels avec un coach à Fitness park, pour me programmer mes séances individuelles sans me blesser.

Pour le cross-training, je suis adhérente d’une association YOUCAMPS et les cours se passent dans une salle dans le 19ème arrondissement. C’est mon spot préféré car en arrivant, le coach est déjà présent, il y a de la musique, le matériel est installé, je sens que le parcours va être hard mais fun, ou alors il n’y a aucun matériel et là je me dis « ça va être une séance au poids du corps, on va avoir mal, mais c’est génial ». Je ressens tout de suite l’ambiance de la séance.

J’aime aussi les trainings qu’on fait à l’extérieur quand le temps le permet. Je me rappelle lors de ma première séance qui avait lieu dans un parc à côté de la salle, j’ai adoré le fait d’être en extérieur, je me suis dit que ça valait largement la quasi heure que je passais dans les transport pour y aller.

Qu’est-ce que t’apporte le sport au quotidien ?

Le sport m’apporte tellement ! C’est mon échappatoire, un moment qui me permet de me libérer, de respirer. Je fais un métier stressant, dans des conditions pas faciles et sans le sport, j’aurais craqué depuis un moment.

Je peux dire que c’est devenu une drogue, mais avec de bons effets. Pendant les séances, je n’ai rien d’autre à gérer que moi, je n’ai aucun souci, si ce n’est bien faire les exercices et terminer le circuit. Pendant ma séance, je pense à moi, je suis dans ma bulle, je suis avec mon corps et avec mon esprit, je me sens détendue et requinqué pour l’après.

Le sport a-t-il changé la vision que tu avais de toi et ta vision du sport en elle-même ?

Je crois que je suis mon plus gros problème. J’ai de nombreux complexes, souvent quand je me regarde dans la glace, je vois encore cette petite Nadia bouboule, grosse, dont tout le monde se moquait à l’époque. Mais j’éprouve une réelle fierté à réussir à exécuter tel ou tel exercice, à améliorer mon cardio, à augmenter les poids sur les machines, etc.

Je reste assez dure avec moi-même, je me dis que telle ou telle chose pourrait/devrait être améliorée, j’aimerais trouver un meilleur équilibre. Pour autant j’avance mentalement, je me rends compte que je suis capable, que je prends en force. Le sport m’a transformée physiquement et j’évolue mentalement pour accepter ce changement et qui je suis.

Avec le sport, j’apprends à ne pas être parfaite, à me détacher de cet état, je peux améliorer mes performances, devenir meilleure qu’hier et j’essaye de transposer cette façon de penser à ma vie entière.

J’ai toujours eu un regard positif sur le sport, enfant j’aimais retrouver mes copains et copines au handball pour jouer ensemble. Puis il y a eu l’aspect compétitif pour gagner en équipe que je garde encore aujourd’hui à l’esprit pour être plus performante.

Quels ont été ton meilleur et ton pire moment sportif ?

Le pire moment a été le décès le 29 novembre 2011 d’une de mes meilleures amies de l’époque. Elle est décédée de « la mort subite du sportif » en plein entraînement. C’est une copine du handball qui m’a appelée pour me prévenir, j’étais dans ma chambre d’étudiantesur le campus de Nanterre. on avait le même âge, on s’était promis que je reprendrais le handball plus tard, après des années, pour jouer en équipe loisir avec elle, lors de nos vieux jours.

Dans mes nombreux bons souvenirs, il y a les déplacements avec mon équipe, on partait souvent très tôt pour revenir très tard, toutes les victoires qu’on a vécu ensemble, les entraînements, etc.

Avec le cross-training, ça été les victoires lors des compétitions 100% féminines organisées par mon coach, ces deux dernières années. Au-delà de la coupe, se surpasser avec ses copines, y a rien de mieux et montrer aux hommes qu’on est aussi capable qu’eux de faire des burpees, soulever des pneus, c’est un vrai outil d’empowerment !

Quel est ton prochain objectif ?

Sportivement, j’aimerais me muscler davantage, réussir à faire de vraies pompes, genre plus de 10, et faire des tractions. Et prendre du plaisir à faire juste des footing.

En tant que femme a-t-il été plus ou moins difficile de commencer (et d’exercer) une activité physique par rapport à tes barrières, la société, le regard des autres ?

Avec le handball, je ne me rappelle pas avoir éprouvé de grandes difficultés sur ces points. Mes blocages étaient personnels, pas liés à ma condition de femme. Je ne vois que des points positifs dans cette discipline, il n’y a eu que très peu de scandales ces dernières années par exemple. 

Pour le cross-training et la musculation, je me dis parfois que je ne peux pas faire tel ou tel exercice parce que je suis une femme, que je n’ai pas la force nécessaire, contrairement aux hommes. Ce qui est totalement ridicule en fait.

Après, j’ai tendance et surtout depuis que j’ai instagram (depuis janvier 2020) à trop me fier à l’image que véhiculent les « fitness girls » et « coachs autoproclamés ». Je me dis : « mais bordel d’où je me fais chier, avec toutes les heures que je me tape, j’ai toujours ma cellulite et ce petit gras du bas de ventre qui restent coincés ! » Mes complexes reprennent le dessus.

J’ai aussi parfois du mal à aller à la salle seule, surtout du côté des machines de musculation. Quand je vois des meufs sans un pet de gras ou que des mecs, j’ai l’impression d’être un bout de viande ou bien d’être totalement ridicule. D’autant plus que j’ai parfois eu, sans le demander, des conseils spontanés sur l’utilisation de certaines machines.

Pour autant, je trouve qu’à l’inverse de mon métier (avocate) être une femme noire n’a vraiment aucune importance, et en tout cas aucun effet négatif dans la pratique du sport. Je trouve qu’avec la musique, c’est un domaine qui réunit les gens avec une même passion, indépendamment de leur sexe, origine ou milieu social. 

C’est notamment le message que veut passer le Président de l’association dans lequel je fais du cross-training, le sport se veut accessible à tous, et toutes. Il met notamment la femme en avant lors de compétitions 100% féminines et ça, c’est le pied.

Quel message pourrais-tu livrer aux femmes et aux jeunes filles ayant envie de faire du sport mais n’osant pas ou aux femmes qui se persuadent que le sport n’est pas fait pour elles ?

Aux jeunes filles : nos corps ont été créés pour supporter les douleurs des règles, pas les hommes, donc ne doutez jamais de vous.

Aux femmes : nos corps ont été créés pour supporter les douleurs de l’accouchement, pas les hommes, donc ne doutez jamais de vous.

Le sport a cela de merveilleux que ça ne peut aller qu’en s’améliorant, et la seule chose qui nous fait stagner, c’est de ne rien faire. Il faut trouver la discipline qui nous donne du plaisir et l’envie, afin qu’elle ne soit pas vue comme une obligation mais comme un moment de bien être que l’on a envie de s’accorder, seule ou en groupe. Et surtout, il ne faut se comparer à personne, si ce n’est celle que l’on était avant de commencer à se bouger pour voir l’effet bénéfique que ça a, sur le corps et l’esprit. 

Le plus dur c’est de commencer, mais de la même façon qu’on a trébuché quand on a fait nos premiers pas, qu’on est tombé quand on a appris à faire du vélo, ce qui s’en est suivi, c’est du pur kiff.

Allez y, peu importe ce qui vous tente (haltérophilie, pôle dance, escrime), faites, vivez, soyez vous ! 

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