Lors du Salon International du Sport Féminin, j’ai croisé Kenza qui travaillait au stand de la Fédération Française de Football et je lui ai demandé si elle était partante pour partager son experience sportive. Elle a d’abord été étonnée que je lui pose cette question puis elle a accepté parce qu’elle a quand même un sacré palmarès sportif à son actif (c’est pas elle qui le dit, c’est moi qui le constate). Let’s Go Girl !
Quel(s) sport(s) pratiques-tu ? Et à quelle fréquence ?
Je fais du foot en club, à raison de deux à trois entrainements plus un match par semaine. Il m’arrive de faire d’autres sports comme la course ou le tennis mais c’est très rare.
Quand as-tu commencé le sport et quelles étaient les raisons à l’époque ?
A l’âge de 7 ans, ma mère m’a inscrit à la natation pour apprendre à nager et c’est vite devenu un sport intégré à mon quotidien. J’y allais comme j’allais à l’école, ça a duré cinq ans. Puis j’ai arrêté pour faire du multisport, sous forme d’initiations à différents sports (escalade, basket, judo, rugby…) pendant un an.
À 14 ans, je demande à ma mère de faire du roller ou du football. J’avais besoin de me dépenser, de me lâcher dans une activité physique car je travaillais beaucoup à l’école. C’était aussi un moyen de garder ma concentration en classe, j’avais besoin de me défouler ailleurs.
Je jouais au football avec mes frères depuis toute petite, donc mon père m’a inscrite dans un club. Cela fait déjà 10 ans que je pratique et j’aime toujours autant ça, voire encore plus aujourd’hui.
Où pratiques-tu ton sport et quel est ton spot favori ?
Je joue à l’Ecole des Sport du 16ème. Nous avons plusieurs terrains d’entrainements dans le 15ème et 16ème arrondissement et les matchs ont lieu au Stade Carpentier dans le 13ème.
Mais hors du club, je joue au foot partout, ça peut être un terrain de rue, un parc avec des potes ou une séance de Five dans un Urban en hiver. La beauté du football c’est qu’il suffit d’un ballon et c’est parti !
Mon endroit préféré est le terrain d’entraînement Emile Anthoine où nous sommes tous les jeudis. Il est juste en dessous de la Tour Eiffel, c’est très impressionnant. Je viens de Roubaix donc quand je suis arrivée pour m’entraîner la première fois sur ce terrain, c’était comme un rêve. Maintenant c’est chez nous, et c’est là où je me sens le plus à l’aise pour jouer, tenter des gestes et me faire plaisir sur le terrain.
Qu’est-ce que t’apporte le sport au quotidien ?
D’abord, comme c’était le cas quand j’ai commencé, ça me permet de me défouler, de me déstresser, de décompresser. Peu importe l’état de stress, d’énervement, d’inquiétude ou de fatigue, quand je sors d’un bon entraînement, ça va toujours mieux.
Ensuite, le football m’a apporté une deuxième famille. Les personnes de mon club sont plus que des amis et ce que m’apportent ces relations va bien au-delà du sport.
J’ai aussi besoin de ce moment de créativité.
« Sur le terrain j’éprouve du plaisir avec le ballon, je décide maintenant ce que je vais créer au niveau des actions. Pendant une heure, c’est un moment entre le ballon, mon équipe et moi. »
Enfin, le football me permet de me comprendre beaucoup mieux, j’apprends à voir plus clairement mes qualités et mes défauts, et à progresser. Ce que je fais sur le terrain se reflète dans la vie et j’ai un terrain d’entraînement qui me prépare tant pour ma vie professionnelle que dans ma vie personnelle.
Le sport a-t-il changé la vision que tu avais de toi et ta vision du sport en elle-même ?
Oui, j’apprends énormément sur moi-même grâce au foot. Le sport m’a aussi, et surtout, permis de gagner en confiance en moi. J’ai encore beaucoup de doutes et un grand manque de confiance, mais sans le sport je n’aurais sûrement jamais eu la confiance nécessaire pour avoir le parcours scolaire et le début de carrière que j’ai eu. J’ai accompli beaucoup de choses dont je ne me serai jamais pensé capable s’il n’y avait pas eu le football.
C’est très cliché mais le sport, c’est réellement un dépassement de soi et, en terme d’empowerement, je ne vois rien de mieux. Je pense que tant que l’on a pas vécu, on a du mal à imaginer la force et l’impact que le sport peut avoir dans nos vies.
« Le fait d’être une footballeuse m’a permis de réaliser qui j’étais, à m’assumer et à élargir ma vision du genre (le foot n’est pas que pour les garçons). »
Pour ce qui est de ma vision du sport, j’ai découvert la compétition, du coup le sport n’est plus un simple loisir. J’ai surtout vu une progression en terme de performances.
Quels ont été ton meilleur et ton pire moment sportif ?
Mon pire moment sportif, c’est assez compliqué. Il y en a eu plusieurs d’assez difficiles. Avec mon ancienne équipe, dans le Nord de la France, nous avons joué deux finales de suite que nous avons perdu et cela a été très dur. Nous avons perdu ces deux finales à 1-0 seulement et lors de la deuxième finale, l’équipe adverse marque à la 93ème minute soit 30 secondes avant la fin du match … Ce genre de défaite est très dure à encaisser.
Mais, récemment, j’ai eu une autre expérience en finale qui, je pense, était bien pire encore. Suite à des désaccords avec le coach, je n’ai pas été sélectionnée pour jouer la finale cette saison (dernier match de la saison). C’était compliqué de regarder mes coéquipières terminer ce parcours sans moi. Être sur le côté, ne pas faire partie du groupe et ne pas pouvoir se battre avec elles sur le terrain pour gagner, c’était très difficile à vivre.
Mon plus beau souvenir remonte à plusieurs années. J’avais 16 ans et notre équipe a été choisie pour aller en Allemagne lors de la Coupe du Monde féminine en 2011. Nous avons passé trois jours là-bas pour jouer contre une équipe locale puis aller voir le match France/Allemagne.
Pendant ces trois jours nous avons vécu ensemble comme une équipe professionnelle avec un programme, des entraînements, des visites officielles, notre propre bus, etc. C’était un moment sportif et humain unique que je n’oublierai jamais. C’était également la première fois que j’assistais à un match de Coupe du Monde, dans un stade de 45 000 personnes. J’ai pleuré en entrant dans ce stade et en voyant la ferveur derrière les joueuses. C’est à ce moment que j’ai décidé de travailler dans le football et de me consacrer encore plus à ce sport.
Quel est ton prochain objectif ?
A titre personnel, je veux passer un cap. Aujourd’hui, je manque encore un peu de confiance ce qui fait que je suis trop « gentille » en terme d’impact physique sur le terrain et que je n’ose pas assez. J’aimerais travailler encore et gagner cette confiance pour pouvoir continuer de m’épanouir plus sur le terrain et progresser.
J’aimerais aussi passer mes diplômes d’éducatrice pour entrainer des jeunes filles et leur transmettre tout ce que le foot m’a appris.
Collectivement, l’objectif pour l’équipe est de monter en D2 (niveau national).
En tant que femme a-t-il été plus ou moins difficile de commencer (et d’exercer) une activité physique par rapport à tes barrières, la société, le regard des autres ?
Oui. Faire du sport pour une femme, ce n’est pas aussi évident que pour un homme. Et encore plus pour un sport comme le football. J’ai eu la chance de grandir dans une famille de footballeurs, dans laquelle mes frères et mon père étaient contents que je joue au foot avec eux. Mais encore là, il a fallu plus de 10 ans pour qu’on réalise que je pouvais faire ce sport en club, que c’était accessible pour les filles. Je jouais tous les jours au foot dans la cour de l’immeuble et même dans ma chambre avec mon frère et pourtant il n’est pas venu tout de suite à l’idée, ni à mes parents, ni à moi-même, qu’il était possible d’en faire comme sport en club car j’étais une fille.
Une fois dans le club, c’est le regard des autres qu’il a fallu supporter. Le visage étonné et le jugement de ceux à qui l’ont dit que l’on fait du foot. J’ai les cheveux courts en plus, donc il n’en fallait pas plus pour être vu comme un « garçon manqué. » Comment comprendre, à 16 ans, qu’un « garçon manqué, » ça ne veut rien dire ? Que c’est un terme dénué de sens et que la vision des genres dans notre société est totalement pourrie ? Mais, finalement, ces jugements et ces stéréotypes m’ont permis de m’affirmer, petit à petit, en tant que femme. J’ai appris les limites des genres dans la société et comment les dépasser.
Encore aujourd’hui, si on accepte de plus en plus les femmes qui jouent au foot, on a du mal à accepter le fait que les femmes jouent bien au foot. Et en tant que footballeuses, on reste des femmes dans un « sport d’hommes ». J’aimerais qu’on arrive enfin au stade où le sport est le sport et qu’il appartient à tout le monde. C’est un sport pour tous, pas un sport d’hommes.
Quel message pourrais-tu livrer aux femmes et aux jeunes filles ayant envie de faire du sport mais n’osant pas ou aux femmes qui se persuadent que le sport n’est pas fait pour elles ?
Je dirai qu’il ne faut pas écouter les autres, qu’il faut prendre plaisir et s’épanouir. Le sport est magique. Tout le monde peut s’épanouir dans la pratique d’un sport, quel que soit le niveau. Le sport est à la portée de tous, il faut juste se lancer.