Camille court. Pour elle, courir n’est pas juste un sport, c’est naturel, c’est son quotidien, c’est sa liberté. C’est aussi un engagement écologique, d’où son pseudo sur Instagram Camille court en vert. C’est par une journée pluvieuse que nous nous sommes rencontrées et nous avons fini notre entretien dans les couloirs du métro parisien. Découvrez ce qui anime Camille et pourquoi sa vision du sport lui a fait changé sa vision du monde, Let’s Go Girl !
Quel(s) sport(s) pratiques-tu ? Et à quelle fréquence ?
Je cours entre 3 et 4 fois par semaine, je fais du yoga 2 fois par semaine et du vélo dès que je peux (je me déplace essentiellement à vélo). J’aime le sport outdoor, principalement pour découvrir et apprécier de nouveaux endroits.
Quand as-tu commencé le sport et quelles étaient les raisons à l’époque ?
Vers 6 ans, mes parents m’inscrivent à la danse moderne jazz, car le centre sportif était juste à côté de l’école. N’étant pas très coordonnée, timide et pas vraiment à l’aise dans l’ambiance « fille », j’arrête assez rapidement.
J’étais une enfant assez grande, mes parents m’inscrivent donc au basket vers 8 ans. Ce n’est pas non plus une révélation, notamment par rapport à mes problèmes de coordination. Du coup, arrivée au collège, je m’inscris au cours de VTT du mercredi après-midi et j’intègre l’équipe d’athlétisme de mon école (cross, saut de haies et demi-fond).
En 4ème, j’arrête le VTT pour faire de la boxe française. J’aime énormément ce sport que je pratique pendant 5 ans, malgré les mises aux poids qui sont difficiles à gérer. Je devais chaque année perdre quelques kilos pour rentrer dans ma catégorie. Cela m’a demandé une exigence qui n’a pas pu se conjuguer avec mes études supérieures.
À 18 ans, j’arrête la boxe française et je me remets plus sérieusement à la course à pied. Chaque matin pendant 2 ans, je cours sur le même parcours pour m’aérer et perdre un peu de poids. Je me motive aussi un peu avec mon père, on discute de course à pieds, de trails.
Puis en 2013, je me fais une entorse aux cervicales et je découvre que j’ai un cancer de la thyroïde. Je me fais opérer et je décide de reprendre la course à pied en me fixant un objectif : courir 5 kms. Le temps que mon corps accepte l’opération, que je ne sois plus en hypothyroïdie, je mets un peu de temps avant de courir sans douleur ou en ayant du souffle. Reprendre la course c’est avant tout reprendre le contrôle de mon corps, reprendre le goût de la course à pied et m’amuser. Ma vie, avec cet incident, a loupé un virage, avec cette envie de me remettre sur les rails, je décide de m’inscrire à mon premier marathon en 2016 avec mon père. Je m’entraîne pendant 5 mois, petit à petit j’allonge les distances pour enfin finir ce marathon.
Un an après j’améliore ma VMA (vitesse maximum d’aérobie) sur des 10 kms, je finis un triathlon dans le Verdon pour essayer et surtout découvrir des paysages époustouflants. Et je finis un nouveau marathon, je prends énormément de plaisir, j’ai le smile pendant 42,195 kms, je fais même un record personnel sans le vouloir. Deux mois plus tard, je participe à mon premier trail avec mon père. Je découvre de nouvelles sensations, j’adore ce sport, je suis subjuguée par la nature et ce qui m’entoure.
En avril 2018, une copine me propose de faire un trail de 60 kms sur la montagne Sainte-Victoire, je suis ravie. Je me lance dans cette aventure mais je fais une chute et cela m’oblige à m’arrêter aux 42ème kilomètre. Suite à cet épisode, je ne pratique quasiment que du trail et je m’investis à nouveau pour prendre ma revanche et finir ce trail de 60 kms l’année d’après. Depuis j’ai fait quelques trails, dont un à La Réunion.
Où pratiques-tu ton sport et quel est ton spot favori ?
Je pratique le yoga chez moi. Mon appartement actuel étant petit ce n’est pas évident, j’ai hâte de déménager pour pouvoir profiter pleinement des bienfaits de ce sport sans me battre contre mes meubles.
Pour mes entraînements de course à pieds, je vais dans le parc de Saint-Cloud et sur les quais de Seine. Et dès que je descends dans le sud, je prévois de gros blocs d’entraînements en nature.
Qu’est-ce que t’apporte le sport au quotidien ?
Quand je cours, je me sens moi, je me sens vivante. Je suis pleinement qui je suis. Je me sens plus forte et rechargée après avoir couru. Il y a aussi une notion de dépassement de soi. Quand je cours, je crois plus en moi ce qui me pousse à relever des défis.
La course à pied est aussi, pour moi, un moyen d’être écologique, je cours pour me déplacer d’un point A à un point B. Par le sport, je peux véhiculer des valeurs écologiques, je découvre des endroits magnifiques où la nature est reine et cela conforte mon idée qu’il faut la préserver. D’où mon pseudo sur Instagram : Camille court en vert.
Je participe à des initiatives qui permettent de faire prendre conscience à toutes et tous de diminuer nos déchets notamment avec le plogging qui vient de Suède. Le plogging est la contraction de « jogging » et « plocka upp » (« ramasser » en suédois), cette activité qui consiste à ramasser des déchets en faisant son jogging.
Le vélo c’est 100% du plaisir, le yoga quant à lui, m’apporte beaucoup mentalement et au niveau de la respiration. Il m’ancre dans le présent et cela m’aide énormément sur les longues distances en course à pied. C’est un moyen d’être bienveillante avec mon corps, de m’écouter, de me concentrer sur ma respiration et de relâcher toutes les tensions.
Le sport a-t-il changé la vision que tu avais de toi et ta vision du sport en elle-même ?
Je ne me suis jamais posée la question de la vision du sport. Mes parents m’ont transmis le sport plaisir, je n’ai jamais été soumise à la compétition. Ça a été la boxe pendant mon adolescence, aujourd’hui c’est avec le trail que je prends le plus de plaisir. Ce sentiment me guide pour affronter des obstacles, aujourd’hui au-delà du plaisir j’ai aussi une notion de dépassement. J’ai besoin de me prouver que je peux aller au-delà de mes limites.
Avec le sport je me suis rendue compte que je suis capable, le sport me motive à aller plus loin. Je me dis que j’ai vécu bien pire qu’un moment difficile lors d’un trail et grâce au sport j’ai repris possession de mon corps et de ma vie. Je choisis de me dépasser et de vivre par le trail. Je ne me laisse plus porter, je décide d’agir, et de me lancer mes objectifs.
Quels ont été ton meilleur et ton pire moment sportif ?
Mon pire moment reste le trail de 60 kms à la montagne Sainte-Victoire que je n’ai pas fini suite à ma chute. La déception et la frustration ressenties après cette épreuve étaient bien trop douloureuses. Je m’étais tellement entraînée pour relever ce défi, quand il a fallu que je m’arrête, j’étais en sanglots, déçue de moi-même. Je ne pensais qu’à une seule chose le finir l’année d’après.
C’est donc mon meilleur souvenir, l’année d’après : ce trail de 60 kms que j’ai fini en 11h37. Je ne me suis jamais autant dépassée de toute ma vie, j’ai eu des moments de doute, des moments d’euphorie, j’ai profité de paysages exceptionnels. L’arrivée de cette course était magique, je n’avais plus de notion des kilomètres, je ne voyais plus le bout et je croise des bénévoles qui m’indiquent que c’est la fin. J’ai un regain d’énergie et je finis en accélérant, j’ai pleuré de joie, de fatigue, de fierté dans les bras de mon père.
Quel est ton prochain objectif ?
Mon objectif est de faire un ultra trail et j’ai choisi l’Haria Extreme Lanzarote en Espagne prévu en novembre. C’est un ultra trail de 94 kms avec 3050 mètres de dénivelé.
En tant que femme a-t-il été plus ou moins difficile de commencer (et d’exercer) une activité physique par rapport à tes barrières, la société, le regard des autres ?
J’ai pu vivre des moments sexistes à vélo. Cela se traduit par des propos voire des actes déplacés de la part de cyclistes masculins. Mais cela ne m’atteint absolument pas.
Quel message pourrais-tu livrer aux femmes et aux jeunes filles ayant envie de faire du sport mais n’osant pas ou aux femmes qui se persuadent que le sport n’est pas fait pour elles ?
Si tu pratiques un sport et que cela ne te plaît pas, que tu ne te sens pas bien, ce n’est tout simplement pas TON sport. Teste d’autres sports, ne te force pas. N’oublie pas que tu es capable, si tu as envie de pratiquer un sport, fais le. Prends le temps de te découvrir et d’accomplir TES objectifs. Je n’ai jamais été la meilleure, je n’ai jamais été celle qu’on choisissait dans les équipes à l’école, en revanche j’ai toujours été à l’aise avec la course à pied. J’ai trouvé mon sport et c’est vraiment ça la clef.