Je rencontre Sarah sur Twitter et son franc-parler m’attire de suite. Au détour d’un café en plein coeur de Paris, elle me décrit son rapport à son corps et à l’alimentation. Je découvre le strip-dance, bref avec Sarah tout devient possible. Let’s Go Girl !
Quel(s) sport(s) pratiques-tu ? Et à quelle fréquence ?
Je fais de la danse entre deux heures (si tout se passe bien) et cinq heures par semaine. Le type de danse varie mais, globalement, je fais beaucoup de strip-dance, on appelle aussi ça Lady Style, qui consiste à danser en talons. Il ne faut pas confondre avec le strip-tease, je suis à peu près habillée. Je me suis récemment mise au jazz, pour bosser ma souplesse. Parfois, j’ai des phases et je fais du crossfit.
Récemment, on a créé un groupe WhatsApp avec trois copines inscrites à la même salle que moi. Comme on a toutes des emplois du temps différents, on ne pratique pas les mêmes disciplines. Mais on propose aux autres à chaque fois. L’une fait du Pilates et du yoga, alors je l’ai accompagné pour essayer. Et puis, elles me suivent à d’autres cours. Ensemble, c’est vraiment moins stressant d’aller tester quelque chose de nouveau à plusieurs. Au pire, si on s’emmerde, on se marre. Et puis, c’est l’occasion de se voir et parler d’autre chose que du boulot.
Quand as-tu commencé le sport et quelles étaient les raisons à l’époque ?
J’ai fait de la danse quand j’étais gamine jusqu’à mes 17 ans. A ce moment-là, je faisais de la danse orientale pour la posture car c’est vraiment bon pour le dos. Je faisais aussi du ski en compétition, j’ai commencé le ski vers 5-6 ans. Vers 17 ans, donc, alors que je m’entrainais sur une piste olympique à l’Alpe d’Huez, j’ai eu un accident. J’ai du arrêter le sport pour faire de la rééducation pendant un an.
J’ai repris le sport il y a 7 ans, à 28 ans, après une sale rupture, par le biais de la Zumba qui arrivait juste en France. J’avais besoin de trouver un truc qui me permette d’arrêter de pleurer en permanence, de m’occuper, de retrouver la sensation de planer et de faire du bien à mon corps. Deux ans plus tard, je passais mon diplôme de prof de Zumba et je me suis mise à enseigner.
Où pratiques-tu ton sport et quel est ton spot favori ?
Je danse dans un studio chez moi, à Tel Aviv : Shaydance Studio. C’est un studio de danse semi-pro donc on rigole mais on s’entraine vénère aussi. Mon prof est un mec qui danse mieux en talons que moi je ne marche en baskets !
Qu’est-ce que t’apporte le sport au quotidien ?
La possibilité d’arrêter de contrôler mon alimentation. J’ai commencé le sport après des années à combattre des troubles du comportement alimentaire, ma priorité c’était de me réconcilier avec la bouffe. Quand tu fais du sport tous les jours, t’as complètement le droit de manger un poulet entier : le corps en a besoin. J’avais un vrai problème avec mon corps, que j’ai mis mal pendant des années pour devenir le standard de beauté qu’on nous placarde.
« Aujourd’hui, je ne m’interdis plus rien dans mon assiette, j’écoute mes envies et j’arrête de me culpabiliser. »
Le sport c’est aussi un moment de bien-être, une fois que je suis au cours je prends du plaisir à fond, et en sortant je me sens simplement heureuse. Plus je danse, plus je me libère, le sport me permet d’allier défouloir physique et de changer de regard sur moi.
Le sport a-t-il changé la vision que tu avais de toi et ta vision du sport en elle-même ?
J’ai un rapport d’amour-haine avec mon corps et je suis assez exigeante. Quand j’ai passé mon diplôme de prof, j’étais quasiment la plus grosse de toutes les nanas et c’était vachement complexant. Quand j’ai commencé le strip, toutes les meufs étaient hyper fortes et hyper gaulées. Puis y’avait moi et une ou deux autres gonzesses qui ne faisions pas du 36. Et tout le monde s’en foutait ! On est dans un studio, on est là pour se détendre, se muscler, rigoler : on se connait toutes très bien et on traine en culotte ensemble 5 heures par semaine.
« J’ai complètement lâché prise à ce moment. »
Il faut bien comprendre que nous nous entrainons dans un pays chaud, sous 30 degrés, il n’y a pas de place pour les complexes dans les pays chauds : tout le monde traine à poil. On filme chaque séance et c’est assez pratique pour voir l’évolution de la pratique et du corps.
En revanche j’ai un peu de mal avec l’image de Fitgirl sur les réseaux sociaux. Le risque c’est de se comparer constamment avec ses personnes et surtout de vouloir leur ressembler. L’image de corps sportifs imposée aux femmes me fait un peu flipper pour les plus jeunes. Si j’avais eu Instagram à 18 ans (avec mes troubles de comportements alimentaires), ça m’aurait flingué. Il faut prendre du recul par rapport aux réseaux sociaux.
Quant au sport… Il y a des disciplines que je ne comprendrais jamais, genre la course mais chacun son truc, le mien c’est danser, faire un truc beau.
Quels ont été ton meilleur et ton pire moment sportif ?
Le pire, c’est facile, ça a été le premier cours de Zumba. Il faut savoir que je fume comme un pompier et qu’une reprise après plus de dix ans, en terme de cardio, c’est pas facile. Je suis sortie rouge comme une pivoine, le coeur qui battait à 1000 à l’heure et en jurant de ne jamais plus refaire de sport de ma vie. Y’a aussi eu le crossfit, c’est radical pour le corps mais je ne suis pas sure d’avoir le mental pour ça.
Le meilleur, il y’en a eu plein. Chaque chorégraphie faite à la perfection est une réussite. Je ne suis plus dans la performance, je suis dans le kif de la pratique. Mais je me souviens de mon premier duo de danse avec une pro et j’ai tenu !
Quel est ton prochain objectif ?
Ça fait trois ans que je répète que je veux faire un Mud Day, mais personne ne m’a encouragé ou même ne voulait venir avec moi. Et puis, cette année, l’avant-veille, j’ai décidé d’y aller sans préparation. Je pensais n’avoir aucun mental pour ça et pourtant, je l’ai fait !
Je prévois de faire l’Israel National Trail mais là encore, je ne pense pas être prête. Je voudrais le faire juste pour moi, être face à moi-même, c’est un truc mental.
En tant que femme a-t-il été plus ou moins difficile de commencer (et d’exercer) une activité physique par rapport à tes barrières, la société, le regard des autres ?
Vivant dans un pays très peu genré et où tout le monde fait du sport, j’ai du mal à me rendre compte des barrières sociétales. On m’a dit récemment que des meufs en France n’osaient pas aller à la salle en short de peur de se confronter aux regards. La blague ! Je comprends bien que des femmes ne soient pas à l’aise avec leurs corps mais, avec la douche, le sport c’est le moment où on est le plus à poil, à nu. Il faut impérativement se libérer de l’image de la Fitgirl d’Instagram : ce n’est pas la vraie vie. Je ne me suis jamais sentie confrontée à mon genre, je suis une lampe torche, je fais ce que je veux et je vois mal qui pourrait m’en empêcher !
Quel message pourrais-tu livrer aux femmes et aux jeunes filles ayant envie de faire du sport mais n’osant pas ou aux femmes qui se persuadent que le sport n’est pas fait pour elles ?
Ma mère m’a toujours interdit de faire de la boxe. J’ai 35 ans et maintenant j’en fais. Je galère mais j’en fais ! Il n’y a pas d’homme ou de femme, il n’y a que des humains qui font ce qu’ils veulent. Je fais du strip avec des mecs et du cross avec des meufs, chacun fait ce qui le fait bander. J’étais celle qu’on ne choisit jamais en EPS – à raison ! – mais j’ai grandi et mes envies ont évolué.
« Aujourd’hui, je sais que rien n’est impossible. »
Parfois des choses sont dures mais le tout n’est pas de recevoir une médaille d’or aux J.O., c’est pouvoir dire : je l’ai fait.
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