Portrait #123 : Fatima

Fatima est la fondatrice des Cacahuetes Sluts, une équipe de football féminine du nord de Paris créative, inclusive et engagée. Comment devient-on fondatrice d’une équipe de foot ? Ce sport est-il une passion ou un moyen de s’exprimer ? Découvrez le parcours sportif de Fati. Let’s Go Girlz !

Quel(s) sport(s) pratiques-tu ? Et à quelle fréquence ?

Je pratique le football à 5 sur petit terrain et à 7 sur grand terrain.
Je m’entraîne une fois par semaine et une fois par mois nous avons un match ou une compétition.

Quand as-tu commencé le sport et quelles étaient les raisons à l’époque ?

J’ai commencé à jouer au football lorsque j’étais enfant vers 4-5 ans. Là où j’habitais, en Algérie, le football était le sport pratiqué par tous les jeunes. Ce que j’adorais le plus, c’était de suivre mon frère pour être avec les plus grands. Le terrain de football était un endroit sécurisant où je me sentais bien, c’était stimulant et collectif. Adolescente, j’ai voulu tester d’autres sports, du basket, du tennis, du handball, mais le football est vite revenu.

J’ai tout de suite eu une relation spéciale avec ce sport, tout était aligné : mon corps, mon esprit, mon désir. Je reste persuadée que le football c’était comme rencontrer mon âme-soeur.

Où pratiques-tu ton sport et quel est ton spot favori ?

À Paris, dans le 18ème arrondissement au sein de l’association que j’ai fondé les Cacahuetes Sluts Football Club. On joue au city stade Jesse Owen et parfois dans deux autres spots : un à Belleville et l’autre près des quais dans le 10ème arrondissement.

Mes spots préférés sont souvent des city-stades parce qu’il y a de la vie ! On se mélange, on discute avec les gens du quartier, on joue ensemble.

Qu’est-ce que t’apporte le sport au quotidien ?

Beaucoup de choses ! Il y a d’abord l’aspect santé et physique, grâce au sport j’ai une routine, une régularité. Puis il y a l’aspect humain, jouer un sport collectif, c’est partager sa passion avec d’autres personnes. C’est aussi apprendre à vivre en communauté, accepter la différence, vivre des moments où les émotions sont démultipliés. Et puis, jouer au foot me rends fière. Je me sens à ma place.

Le football est aussi un moyen d’expression, je peux passer des messages au travers de l’association et de nos actions.

Le sport a-t-il changé la vision que tu avais de toi et ta vision du sport en elle-même ?

Oui notamment sur l’aspect mental, j’ai un corps assez chétif, je suis petite comparée aux joueuses et joueurs que j’ai pu rencontrer. Mais je me suis rendue compte que lorsque j’étais sur le terrain, je me transformais. J’avais tout d’un coup la sensation d’avoir une force et une endurance illimitées. Je pense que cela est lié à mon envie de gagner et au plaisir que je ressens sur le terrain, et cela peut importe l’adversaire. J’ai découvert que je pouvais largement repousser mes limites, j’ai découvert à quel point le mental était un aspect important même à un niveau amateur.

Ma vision du sport a énormément évolué, plus jeune c’était avant tout un moyen de m’amuser alors qu’aujourd’hui, le football me permet de m’exprimer. Le sport était une discipline en club avec des objectifs physiques et c’est devenu une transmission, une ouverture au monde, une révélation.

Quels ont été ton meilleur et ton pire moment sportif ?

J’ai eu beaucoup de beaux moments, souvent pendant les tournois et en particulier lorsque nous jouions à l’étranger. Le temps d’un week-end, on partage quelque chose de fort, sportivement et humainement. J’aime ces moments parce qu’ils reflètent parfaitement mon choix de pratiquer un sport collectif.

Mon pire moment, je l’ai vécu en 2020. Ça a été une année compliquée et complexe pour mon équipe, durant laquelle nous avions intégré huit nouvelles joueuses. Quelques mois plus tard, nous nous sommes séparées de deux d’entre elles. Ce n’était pas évidement à vivre comme situation, d’une part parce que se séparer de quelqu’un.e; ce n’est jamais facile. D’autre part, il y a toujours un sentiment de doute, a-t-on fait le bon choix, fallait-il laisser encore une chance. Avec le temps, je sais que nous avons fait le bon choix et j’ai beaucoup grandi sur cette question.

Quel est ton prochain objectif ?

Depuis trois ans je suis dans un mood de transmission. Mon objectif est d’encourager les plus jeunes à être fières de choisir et de pratiquer le football, et cela peu importe son profil et son background. L’autre objectif, est de créer quelque chose qui bouscule les idées arrêtées, qui valorisent les femmes.

En tant que femme a-t-il été plus ou moins difficile de commencer (et d’exercer) une activité physique par rapport à tes barrières, la société, le regard des autres ?

Oui, même si pour moi cette pression n’a pas pu trop s’exercer, je l’ai ignoré très vite, parce que j’étais soutenue et encourager par ma mère. Je suis très consciente qu’elle existe pour la plupart des femmes et particulièrement visible dans les sports dits « masculin » comme le rugby, les sports de combat, la formule 1 et bien sur le football, où les femmes sont inexistantes.

Cela s’exprime par du sexisme très souvent, une pensée patriarcale qui dicte ce qu’une femme est capable ou non de réaliser. Résultat, ça crée des préjugés dès le plus jeune âge et des deux côtés.

L’autre aspect c’est l’hypocrisie qu’il peut y avoir dans certains milieux, que l’on imagine ouverts, mais qui en réalité ne prennent pas partie ouvertement pour encourager les femmes dans leur pratique sportive et dans leur visibilité. Je pense à certains médias qui ignorent encore les femmes athlètes. Ou encore à des marques qui vont valoriser des athlètes, mais en réalité contrôlent leurs images et leurs corps en choisissant des profils de femmes belles, fortes, blanches. Et lorsque c’est une athlète racisée, elle doit forcément être un canon de beauté. Je suis consciente que les choses bougent et évoluent dans le bon sens, mais c’est loin d’être acquis, il faut continuer à mener le combat à petite et grande échelle.

Quel message pourrais-tu livrer aux femmes et aux jeunes filles ayant envie de faire du sport mais n’osant pas ou aux femmes qui se persuadent que le sport n’est pas fait pour elles ?

Foncer et tester. La meilleure opinion est sa propre expérience ! Le sport apporte bien plus que l’aspect physique, il contribue à avoir confiance en soi, à mieux gérer la pression, à s’ouvrir aux autres.

Le plaisir et la satisfaction procurés par une activité sportive est bien au-delà de tous les préjugés portés au corps féminin.

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